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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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mieux que publier un livre qui non seulement a peu de valeur en soi, mais encore se place en travers du chemin d’un meilleur ouvrage sur le sujet !
    — Je demande à la tablée s’il est correct de la part de Lowell de faire paraître dans la North American Review, un journal qui m’appartient, une attaque contre un livre que publie ma maison !
    — Je demande en retour à ceux d’entre vous qui sont au fait de l’objet du débat s’ils contestent mes conclusions. »
    Comme personne ne soufflait mot, Fields se rendit à l’évidence.
    « J’entends monter la clameur d’un “non” général. En tout cas, je puis vous assurer qu’aucun exemplaire ne s’est vendu depuis que Lowell a publié sa critique !
    — Attendu que le sieur Lowell a définitivement tué La Vie, intervint Holmes en faisant tinter sa fourchette contre son verre, je le déclare coupable de meurtre. »
    Un éclat de rire général accueillit sa déclaration.
    « Oh, La Vie était mort-née, monsieur le juge, se défendit l’inculpé. Je n’ai eu qu’à clouer le cercueil !
    — Dites, mes amis, lança Greene. Quelqu’un parmi vous a-t-il noté le caractère dantesque de cette année 1865 ? »
    Il avait pris un ton délibérément désinvolte dans l’espoir de ramener la conversation sur son sujet préféré.
    « En effet, les jours et les chiffres du mois correspondent exactement à ceux de 1300, année dantesque s’il en fut, répondit Longfellow en hochant la tête. Les deux fois, le vendredi saint est tombé un 25 mars.
    — Victoire ! s’exclama Lowell. Que 1865 soit l’année de Dante puisqu’il y a exactement cinq cent soixante-cinq ans, il descendit dans la città dolente , la ville douloureuse. Est-ce un bon ou un mauvais présage pour la traduction ? »
    Son sourire gamin se fana bientôt au souvenir de l’acharnement que manifestait la Corporation de Harvard à l’encontre de leur cercle des Amis de Dante.
    « Demain, déclara Longfellow, lesté de nos derniers chants de l’Inferno, je descendrai dans les Males-Bauges {13} des imprimeurs, parmi les démon {14} de Riverside Press. Nous aurons fait alors un pas de plus vers l’accomplissement. J’ai promis, en humble contribution au six centième anniversaire de Dante, de faire parvenir au comité florentin chargé de la célébration un tirage privé de L’Enfer avant la fin de l’année.
    — Pour ma part, mes chers amis, je suis toujours en butte à l’imbécillité de ces damnés crétins de Harvard, maugréa Lowell sur un ton renfrogné. Imaginez-vous qu’ils continuent de se démener pour me forcer à clore mon cours sur Dante.
    — Augustus Manning m’a prévenu des conséquences que pourrait avoir la publication de cette traduction, renchérit Fields en pianotant sur la table d’un air agacé.
    — Mais pourquoi aller jusqu’à de telles extrémités ? s’enquit Greene, alarmé.
    — La Corporation tient à garder ses distances avec Dante, expliqua gentiment Longfellow, elle fait feu de tout bois. Elle craint son influence. Étrangère et catholique, mon cher Greene.
    — Cela peut se comprendre en partie, me semble-t-il, intervint Holmes avec une compassion teintée de désinvolture. Pour ce qui en est de certains passages, en tout cas. En juin dernier, combien de pères sont allés se recueillir sur la tombe de leur fils, au lieu d’assister au temple à la remise des diplômes ? Ils doivent penser que nous n’avons pas besoin d’autre Enfer après celui que nous venons de vivre, j’imagine. »
    Voyant Lowell se verser rageusement un troisième ou quatrième verre de falerne rouge, Fields, qui était assis en face de lui, essaya de calmer ses ardeurs du regard. En vain, car le professeur explosa :
    « Quand ils en seront à brûler les livres, nous serons les prochains à être jetés en Enfer. Et, croyez-moi, mon cher, nous ne nous en évaderons pas de sitôt !
    — Loin de moi le désir d’imperméabiliser l’Amérique aux questions que le ciel fait pleuvoir sur sa tête, mon cher Lowell, répondit le docteur. Mais peut-être… » Il hésita. L’instant était-il bien choisi ? Se tournant vers le maître de céans, il poursuivit : « Peut-être devrions-nous envisager un programme de publication moins ambitieux, mon cher Longfellow. D’abord, un tirage privé de quelques douzaines d’exemplaires pour laisser à nos amis et collègues le loisir de goûter le texte, de découvrir sa puissance, avant de

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