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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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vaudra son œuvre dans l’avenir, quand il évoque les autres lieux qu’il recherche, ce qu’il a à l’esprit, ce n’est pas la vie qui est la sienne en 1302 – l’année de son exil – mais bien sa seconde vie, celle qu’il continuera de vivre pendant des siècles à travers son poème.
    — Mais ce lieu le plus cher ne lui a jamais vraiment été retiré, en vérité. C’est lui-même qui s’en est arraché. La ville de Florence lui a proposé de revenir auprès de son épouse et des siens et il a refusé ! »
    Pliny Mead n’était pas de ces élèves qui impressionnent leurs maîtres ou leurs condisciples par l’étendue de leur bonté. De plus, ce matin-là, en recevant ses notes du trimestre précédent, il avait découvert qu’il était d’ores et déjà rétrogradé de la douzième à la quinzième place au classement général de sa promotion, dans eux ans. Douloureusement déçu, il tenait grief de ses faibles résultats à Lowell, auquel il avait tenu tête en plusieurs occasions lors de discussions sur la littérature française, ce que le professeur ne supportait pas. Mead aurait volontiers abandonné l’étude de l’italien, mais la règle stipulait que les étudiants inscrits en langues étrangères devaient en suivre obligatoirement tous les cours pendant trois semestres avant de pouvoir changer d’option – moyen parmi d’autres de dissuader les élèves de goûter, même du bout des lèvres, à l’étude des langues vivantes. Mead se retrouvait donc coincé avec cet infatigable phraseur de James Russell Lowell. Et avec Dante Alighieri.
    « La belle proposition que voilà ! se moqua Lowell. Pleine et entière clémence pour Dante et octroi d’un permis de résidence à Florence, sa ville d’origine, à condition de présenter une requête en grâce et de payer une lourde amende. Johnny Reb {15} n’a pas subi pareille dégradation pour être réintégré dans l’Union ! Comment un homme qui s’est toujours battu pour la justice accepterait-il un compromis aussi vil avec ceux-là mêmes qui le persécutèrent ?
    — Que cela nous plaise ou non, il n’en demeure pas moins que Dante est florentin ! insista Mead, en cherchant du regard le soutien de son voisin. Enfin, Sheldon, vous voyez bien que Dante parle sans cesse de Florence dans ses écrits ! Et aussi des Florentins qu’il rencontre dans l’autre monde. Il rapporte même ses conversations avec eux. Et quand écrit-il son poème ? Quand il est en exil ! La chose me paraît assez claire, mes amis : tout ce à quoi Dante aspire, c’est à retourner à Florence. Mourir en exil et dans la pauvreté, voilà le plus grand échec de sa vie ! »
    Le sourire victorieux de Pliny Mead agaça Edward Sheldon. De fait, l’étudiant avait réduit le professeur au silence. Lowell s’était levé. Les mains enfoncées dans les poches de sa veste d’intérieur passablement défraîchie, il arpentait le tapis dans ses hautes bottes à lacets, en tirant sur sa pipe d’une façon qui révélait sa tension. On aurait dit qu’il évoluait à un niveau de connaissance mentale différent, bien loin de son cabinet d’Elmwood.
    Le professeur n’avait pas pour habitude d’autoriser les élèves de première année à suivre les cours des classes supérieures, mais devant la persistance de Sheldon, il avait dit qu’il verrait. Et celui-ci, empli de gratitude pour la chance qui lui avait été accordée, était fermement décidé à les défendre, Dante et lui, des attaques de son condisciple – le genre de type, assurément, à poser des sous sur les rails de chemin de fer quand il était gamin. Il s’apprêtait donc à répondre quand Mead le foudroya d’un regard tel qu’il abdiqua.
    Un autre regard dans sa direction, involontaire celui-là et lancé par Lowell, lui signifia la déception de son mentor. Mais, déjà, le professeur détournait les yeux et interpellait Mead :
    « Où est donc le Juif en vous, mon garçon ?
    — Pardon ?
    — Aucune importance, ce n’est pas ce que je voulais dire… Voyez-vous, Mead, reprit Lowell au bout d’un moment sur ce ton patient dont ses élèves étaient bien les seuls sur terre à bénéficier, Dante a pour thème l’homme en général, et non pas un individu en particulier. De nos jours encore, les Italiens tirent sur sa manche pour lui faire dire qu’il soutient telle ou telle politique ou telle ou telle façon de penser. Leur façon à eux  ! Mais limiter Dante à

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