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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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pendant neuf ans, était décédée, il avait éprouvé pour la première fois le sentiment de posséder un passé – quelque chose qui n’avait rien à voir avec la vie qui était désormais la sienne et dont il était à jamais exilé. Il avait consulté le Dr Holmes à propos de ses sombres pensées. Celui-ci lui avait recommandé de ne pas veiller après dix heures et demie du soir et de boire de l’eau froide le matin plutôt que du café. Lowell se disait maintenant que Wendell avait eu bien raison de troquer son stéthoscope pour une chaire de professeur : il n’avait pas la patience nécessaire pour examiner la souffrance Jusqu’au bout.
    À la mort de Maria, il avait confié l’éducation de la petite Mabel à Fanny Dunlap. Peut-être était-il inévitable que la gouvernante devînt pour Lowell une compagne de substitution. Passer à une seconde épouse d’origine plus modeste que la première ne s’était pas révélé aussi ardu qu’il l’avait craint, et nombre de ses amis le limaient pour cela. Mais voilà, il n’était pas homme à porter sa peine en bandoulière : s’il était une chose qu’il abhorrait, c’était en la sentimentalité. Ajoutons à cela que Maria avait perdu toute réalité à ses yeux. Elle était devenue une vision, une idée, une faible lueur dans le ciel, comme les étoiles qui se fanent avant l’aube. « Ma Béatrice », avait écrit Lowell dans son journal. Mais ce genre de religion exigeait, pour qu’on y crût, toute l’énergie dont une âme est capable. En peu de temps, Maria n’avait plus occupé ses pensées que sous l’aspect d’un spectre indistinct.
    En plus de Mabel, Lowell avait eu trois enfants de son premier lit, dont le dernier, Walter, n’avait vécu que deux ans, précédant d’une année sa mère dans la mort. Fanny ne lui avait pas donné d’enfant, une fausse couche peu après le mariage l’ayant laissée stérile. Et c’est ainsi que James Russell Lowell avait pour tout descendant une fille dont s’occupait sa seconde épouse.
    Quand Mabel était petite, Lowell se contentait d’espérer faire d’elle une demoiselle simple et gaillarde, bonne pâtissière et agile à grimper aux arbres. Il lui avait appris à nager, à patiner et à marcher trente kilomètres par jour, comme lui.
    Depuis des temps immémoriaux, les Lowell avaient toujours eu des fils. Mais les trois neveux de Jemmy, engagés dans l’armée de l’Union, étaient tombés au champ d’honneur, et lui-même ne laissait pas de fils. C’était le destin. James Russell Lowell n’aurait pas de descendants pour défendre la grande cause de leur époque, à l’instar de son grand-père, à qui le Massachusetts devait sa première loi contre l’esclavage. Walter avait été un petit garçon si vigoureux pendant ses quelques mois de vie… Il serait certainement devenu aussi grand et courageux que le jeune Oliver Wendell Holmes.
    Lowell s’amusa distraitement à recourber les défenses de morse qui lui tenaient lieu de moustache pour s’en faire des bacchantes de sultan. Ses pensées glissèrent vers la North American Review. Ce travail lui prenait un temps fou. Trier les manuscrits ou rédiger des rapports de lecture étaient au-dessus de ses forces, et cela faisait beau temps qu’il avait abandonné la tâche à Charles Eliot Norton, son pointilleux coéditeur. Mais celui-ci avait entrepris un tour d’Europe indispensable à la santé de son épouse. À présent, l’ennui de corriger le style, la grammaire et la ponctuation d’articles écrits par d’autres lui incombait entièrement. Ajoutée à cela, la pression d’amis plus ou moins talentueux, mais tous désireux de se voir publiés, encombrait son esprit et l’empêchait d’écrire. Et ses travaux d’enseignant démantelaient ses pulsions poétiques. Enfin, il y avait la Corporation de Harvard. Plus que jamais, Lowell se sentait surveillé, vidé, tamisé, pioché, biné, pelleté, dragué, raclé et, pourquoi pas ? voué à la damnation comme tant d’immigrés là-bas, en Californie. Passer une année entière allongé sous un arbre sans autre industrie que de contempler les taches de soleil sur l’herbe, voilà ce dont il aurait eu besoin pour recouvrer l’inspiration. Oh, comme il avait envié la tour que Hawthorne {18} s’était fait construire sur le toit de sa maison, la dernière fois qu’il était allé le voir à Concord. On ne pouvait y accéder que par une trappe secrète que le

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