Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
Vom Netzwerk:
romancier prenait soin de bloquer en plaçant dessus un lourd fauteuil.
    Lowell n’entendit nullement le pas léger qui montait l’escalier et il ne vit pas davantage s’ouvrir la porte de la salle de bains. Si bien qu’il se redressa d’un air coupable quand Fanny la referma sur elle.
    « On étouffe là-dedans, ma chère. »
    Une lueur inquiète brillait dans les yeux écartés, presque orientaux, de son épouse.
    « Jemmy, le fils du jardinier est là. Je lui ai demandé ce qu’il voulait, mais il ne veut parler qu’à toi. Je l’ai fait entrer dans le salon de musique. Le pauvre petit est tout essoufflé. »
    Lowell s’enveloppa dans un peignoir et dévala l’escalier. Un jeune homme dégingandé, avec de grandes dents chevalines qui dépassaient de la lèvre supérieure, se tenait nerveusement contre le piano, tel un concertiste se préparant à jouer.
    « Je vous demande pardon pour le dérangement, monsieur. Je marchais dans Brattle Street quand j’ai cru entendre un gros bruit venant de l’ancienne Craigie House. Je me suis dit que j’allais sonner chez le professeur Longfellow pour voir si tout allait bien. Les gars disent toujours que c’est un monsieur gentil. Mais moi, je l’ai jamais rencontré, alors… »
    Sous l’effet de la panique, le cœur de Lowell s’était emballé. Il saisit le garçon par les épaules.
    « Quel genre de bruit, jeune homme ?
    — Un gros boum. Comme quéqu’chose qui s’écrase. » Le jeune homme essaya sans succès de reproduire le bruit à l’aide d’un geste. « Et le p’tit chien… Trap, c’est ça ? il aboyait à réveiller les morts. Après, y a eu un cri très fort, je crois. Et j’suis pas du genre à parler pour rien dire, monsieur. »
    Lowell signifia au garçon de l’attendre et se précipita dans son cabinet de toilette pour en ressortir chaussé de pantoufles et vêtu d’un pantalon à carreaux qui, en des circonstances ordinaires, auraient inspiré à Fanny une longue envolée sur ses convictions esthétiques. Pour l’heure, elle se contenta d’une courte exclamation :
    « Tu ne vas pas sortir maintenant, Jemmy ! On rapporte toutes sortes d’histoires de gens étranglés.
    — C’est Longfellow, répondit-il. D’après ce garçon, il lui est peut-être arrivé quelque chose. »
    Elle se tut. Lowell promit d’emporter son fusil de chasse.
    Son arme en bandoulière, il descendit la rue en direction de Brattle Street, le fils du jardinier sur les talons.
    Longfellow était assez secoué. À la vue du fusil, il le fut encore davantage. Il s’excusa pour le vacarme et décrivit l’incident sans l’embellir, arguant que son imagination lui avait certainement joué un tour, voilà tout.
    « Karl, dit Lowell en plantant ses doigts dans les épaules du fils du Jardinier. Filez au commissariat chercher un agent de police.
    — Oh, ce ne sera pas nécessaire.
    — Il y a eu plusieurs cambriolages, Longfellow. La police fouillera le voisinage et vérifiera que tout est sûr. Allez, ne soyez pas égoïste. »
    Lowell s’attendait à ce que Longfellow réagît avec véhémence, mais il n’en fit rien. Sur un signe de tête de son maître, Karl s’élança vers le commissariat de Cambridge avec l’enthousiasme des jeunes gens dans les situations d’urgence. Lowell se laissa tomber dans le fauteuil à côté de Longfellow et rajusta sa robe de chambre sur son pantalon. Remarquant ses cheveux et sa barbe encore humides, Longfellow réitéra ses excuses pour l’avoir tiré de chez lui à cause d’un problème aussi banal et l’engagea à rentrer à Elmwood. Mais avant cela, il lui fallait un thé. Si-si, il y tenait.
    Devant tant d’insistance, James Russell Lowell comprit que Longfellow était plus remué qu’il ne le laissait paraître.
    « Fanny vous est probablement très reconnaissante de m’avoir tiré de l’eau, dit-il en riant “La mort par le bain”, c’est comme ça qu’elle appelle mon habitude de me baigner, la fenêtre ouverte. »
    Aujourd’hui encore, Lowell était mal à l’aise quand il devait désigner son épouse par son prénom devant Longfellow. Inconsciemment, son ton de voix changeait. La douleur de son ami était trop récente, il avait l’impression de lui voler quelque chose en prononçant ce nom. Le grand poète, en effet, n’évoquait jamais sa Fanny à lui. Il n’avait rien écrit sur elle, pas même un sonnet ou une élégie, et son journal ne contenait aucune mention de sa

Weitere Kostenlose Bücher