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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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n’avons pas la solution, car Dante ne nous dit pas qui est cette ombre, était intervenu Longfellow tout en chassant au loin l’épaisse queue de fumée qui montait du cigare de Lowell.
    — Comment Dante pourrait-il nommer le pécheur ? avait rétorqué celui-ci sur un ton vibrant de passion. Ces ombres qui ont ignoré la vie, qui jamais ne furent vivantes, précise Virgile, doivent être ignorées jusque dans la mort, harcelées sans relâche par de viles et insignifiantes créatures. Le voilà leur contrapasso, leur châtiment éternel.
    — Un Hollandais a avancé que le personnage en question ne serait pas Ponce Pilate, mon cher Lowell, mais le jeune homme décrit dans Matthieu au verset 19,22, qui se voit offrir la vie éternelle et la refuse. M. Greene et moi-même penchons pour le pape Célestin V, qui choisit lui aussi la voie de l’indifférence en refusant le trône papal, permettant ainsi qu’y montât Boniface, ce pape corrompu qui finalement conduisit Dante à l’exil.
    — C’est emprisonner l’œuvre de Dante dans les frontières de l’Italie ! avait protesté Lowell. Typique de notre cher Greene. Il s’agit de Pilate. Je le vois devant nous, avec sa mine renfrognée, tout comme Dante devait le voir. »
    Pendant cet échange, Holmes et Fields étaient demeurés silencieux, puis l’éditeur avait gentiment reproché à ses amis de transformer l’enquête criminelle en séance littéraire alors que l’objectif était de comprendre les mobiles de l’assassin. Pour cela, avait-il insisté, il ne fallait pas se contenter de lire les textes qui avaient inspiré les meurtres, mais plutôt refaire le chemin parcouru par Lucifer pour les exécuter. À ces mots, Lowell avait été effrayé pour la première fois de ce qui pourrait advenir.
    « Que proposez-vous exactement ?
    — De voir de nos propres yeux les lieux où les visions de Dante se sont incarnées. »
    Voilà pourquoi Lowell et Fields parcouraient maintenant la propriété des Healey.
    Le poète saisit le bras de l’éditeur.
    «  Come la rena quando turbo spira », chuchota-t-il.
    Fields ne comprit pas.
    — « Vous pouvez répéter ? »
    Lowell hâta le pas. Arrivé à un endroit où la terre sombre cédait la place à un cercle de sable lisse et clair, il s’arrêta et se pencha vers le sol.
    « Ici ! déclara-t-il triomphalement.
    — Eh bien, oui, admit Richard Healey sur un ton quelque peu ébahi. Mais comment l’avez-vous deviné, mon cousin ? s’écria-t-il quand Lowell l’eut rejoint. Comment pouvez-vous savoir que c’est ici que Père a été découvert ?
    — Oh, répondit Lowell d’une voix qui manquait de franchise, ce n’était qu’une question. Vous ralentissiez le pas, voilà pourquoi j’ai demandé si nous étions arrivés à l’endroit ? N’est-ce pas, Fields ? »
    Et de se tourner vers l’éditeur pour rechercher son appui.
    « Je le crois aussi, monsieur Healey », confirma celui-ci entre deux halètements essoufflés, en hochant la tête énergiquement.
    Richard Healey n’avait pas l’impression d’avoir le moins du monde ralenti. Cependant, il ne voyait pas d’autre explication à la chose.
    « Dans ce cas… la réponse est oui. » Manifestement, l’intuition de Lowell suscitait sa méfiance tout en l’impressionnant. « Oui, c’est ici que cela s’est produit, mon cousin. Dans la partie du domaine la plus laide, la plus sinistre », ajouta-t-il amèrement.
    Lowell s’était mis à étudier la terre avec soin. Rien, en effet, ne parvenait à pousser en cet endroit du pré. Du doigt, il traça un trait dans le sable et dit, comme s’il était pris de transe :
    « Il était ici. »
    Pour la première fois, il éprouvait un début de compassion réelle à l’égard du juge. Ici, Healey avait été abandonné, nu, à la voracité des vers. Et le pire, c’était qu’il avait trouvé une fin qu’il ne comprendrait jamais, même dans l’éternité. Une fin que son épouse et ses fils ne comprendraient pas davantage.
    Croyant Lowell au bord de pleurer, Richard Healey vint s’agenouiller à côté de lui.
    « Il vous gardait toujours dans un tendre coin de son cœur, mon cousin.
    — Vraiment ? » lança Lowell sur un ton ironique, et sa pitié se désagrégea d’un coup.
    Devant une réponse aussi brusque, Healey battit en retraite.
    « Le juge suprême… Vous étiez l’une de ses relations préférées. Avec quelle estime et quelle admiration

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