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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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peine, occupé qu’il était à ratisser le sol avec ses mains. La terre humide, douloureusement chaude et froide à la fois, dure comme de la glace, se collait sous ses ongles. Mais le pire était l’odeur, les relents de chair brûlée. Le docteur faisait de son mieux pour retenir son souffle, mais cet effort, couplé à son halètement d’asthmatique, lui procurait l’impression d’une telle légèreté qu’il sentait presque sa tête s’envoler comme un ballon.
    Il se retrouvait dans la même posture que le révérend Talbot, la tête en bas, à ceci près qu’il ne sentait pas sur ses chevilles le feu du châtiment, mais la poigne de Longfellow.
    La voix étouffée du poète descendit jusqu’à lui. Pris d’un vague tournis, le docteur n’était plus en état de comprendre la question. Il se demandait si Longfellow n’allait pas le lâcher, au cas où il s’évanouirait pour de bon, et si alors il n’allait pas dégringoler jusqu’au centre de la terre. Le danger dans lequel ses amis et lui se jetaient de plein gré pour sauver un livre lui apparut soudain dans toute son ampleur. Et, tandis qu’il grattait la terre, les pensées se succédèrent dans sa tête en un défilé qui lui sembla durer une éternité.
    Enfin, ses doigts rencontrèrent un objet bien réel. La sensation lui rendit toute sa clarté d’esprit.
    Un bout de tissu, aurait-on dit. Non, un sac. Un sac rigide, en tissu.
    Il frissonna. Il voulut parler, mais l’odeur et la terre se liguaient contre lui. L’espace d’un instant, la panique le paralysa, puis le bon sens lui revint et il se mit à battre des pieds frénétiquement.
    Comprenant le signal, Longfellow entreprit de le hisser hors de la cavité. Holmes haletait, crachant et postillonnant. Après force tortillements, il parvint à retrouver le sol de la crypte sous ses genoux.
    « Vite, Longfellow, regardons ce que c’est, pour l’amour de Dieu ! » lança-t-il à son ami qui s’occupait de lui avec sollicitude.
    Sa trouvaille, un pochon maculé de terre, était fermée par un cordon qu’il ouvrit d’un coup sec. Et, sous les yeux de Longfellow, le docteur étala par terre mille dollars en billets de banque.
    Et garde bien les deniers mal acquis …
     
    À Wide Oaks, somptueux domaine de la famille Healey depuis trois générations, deux visiteurs s’étaient présentés. Leur attitude étrangement distante montrait qu’ils étaient là pour affaire. Nell Ranney leur fit traverser le vaste hall d’entrée. Plus que leurs yeux vifs et mobiles, leur tenue l’intriguait. Il était rare que l’on vît accouplés deux styles aussi franchement contradictoires.
    James Russell Lowell arborait un pardessus minable à double boutonnage, un chapeau en soie sauvage d’une élégance ridicule et, piquée dans le nœud marin qui fermait son foulard, une épingle dont la mode était passée depuis des années. Sa barbe courte et ses moustaches tombantes contrastaient avec l’imposante cascade de boucles rousses de son compagnon. Celui-ci portait un frac de tweed écossais à la coupe impeccable et des gants d’une couleur agressive. Quand il les retira pour les fourrer dans ses poches, apparut sur son ventre rebondi engoncé dans un gilet vert une chaîne lestée d’un gros oignon en or dont la vue évoqua à la domestique une guirlande de Noël.
    Elle n’avait pas vidé les lieux que Richard Sullivan Healey saluait déjà ses deux hôtes du monde littéraire. Il dut lui ordonner de sortir.
    « Excusez le comportement de notre femme de chambre, dit le fils aîné du juge suprême, c’est elle qui a découvert le corps de Père et l’a ramené dans la maison. Depuis, elle voit en tout visiteur un coupable potentiel. Nous craignons qu’elle n’en vienne à partager les suppositions démoniaques de notre mère.
    — Nous espérions avoir le plaisir de rencontrer cette chère M me  Healey, Richard, répondit Lowell avec une grande politesse. M. Fields pense que nous pourrions discuter avec elle d’un ouvrage consacré à la mémoire du juge suprême que Ticknor et Fields publierait. »
    S’il était courant que des parents, même éloignés, vinssent exprimer leurs condoléances en personne, un étranger à la famille comme l’éditeur se devait d’avoir une bonne raison pour imposer sa présence.
    « Je crains qu’elle ne soit pas visible aujourd’hui, mon cousin, déclara Richard Healey en imprimant à ses grosses lèvres une courbe avenante. Elle est

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