Le Cercle du Phénix
justement ?
Cassandra blêmit. D’un geste brusque, elle se dégagea de l’étreinte de
Nicholas.
— Non,
se révolta-t-elle, jamais Andrew n’entretiendrait de relations avec une femme
telle qu’Angelia, jamais il n’accepterait d’œuvrer pour son compte. Oubliez
cette idée monstrueuse.
Nicholas eut un soupir exaspéré.
— Je
n’écarte pas cette hypothèse, quoi que vous en pensiez. Du reste, j’ai
l’intention de le suivre la prochaine fois pour en avoir le cœur net.
— C’est
inutile, riposta sèchement Cassandra. Je parlerai à Andrew et il me dira la
vérité. Je suis certaine qu’il me fournira une explication convaincante.
— Mais
bien sûr, ironisa-t-il. Faites comme vous l’entendez, mais si vous n’obtenez
pas de résultats, j’agirai à ma façon…
— Je
n’en doute aucunement, Nicholas.
Chapitre VI
Le jeudi suivant, Gabriel s’apprêta pour les funérailles de Charles
Werner. Il finissait de boutonner le par-dessus noir agrémenté d’un col
d’astrakan que Julian lui avait offert quelques jours plus tôt lorsque ce
dernier pénétra dans la chambre. Surpris, il s’arrêta sur le pas de la porte.
Gabriel ne s’étant encore jamais aventuré hors du manoir sans lui, ces
préparatifs de départ ne pouvaient que le prendre au dépourvu.
— Tu
sors ? Où vas-tu ? s’enquit-il avec une curiosité inquiète.
— À
l’enterrement de M. Werner, répondit le jeune homme d’une voix ténue en
évitant de le regarder. Miss Jamiston a accepté de me prêter sa voiture.
Tombant des nues, Julian se figea. Il avait mal entendu, c’était la seule
explication possible à cette aberration. Au prix d’un effort considérable, il
parvint à se maîtriser, et c’est d’un ton presque serein qu’il pria Gabriel de
répéter ce qu’il venait de dire.
— Tu
as très bien compris, murmura Gabriel en triturant nerveusement ses gants.
Julian eut l’impression d’avoir été souffleté. La colère monta en lui,
froide et impérieuse.
— Puis-je
savoir pourquoi tu souhaites te rendre aux obsèques de cet homme ?
demanda-t-il d’une voix frémissante de rage contenue.
Gabriel resta silencieux, les yeux toujours baissés. Sa peau avait pris
l’aspect d’un masque de cire.
— Et
regarde-moi quand je te parle ! s’emporta Julian en avançant d’un pas.
Gabriel tourna vers lui un visage torturé qui échoua cependant à
l’attendrir.
— Tu
tenais à Werner, n’est-ce pas ? Peut-être même l’aimais-tu ?
Julian criait à présent. Quelqu’un aurait pu l’entendre, mais il n’en
avait cure. Le brûlant sentiment de jalousie qu’il avait réussi à contenir
jusque-là venait de briser sa cage et lui mordait le cœur. Il pouvait faire
abstraction des nombreux clients que Gabriel avait eus à l’époque où il se
prostituait, car ce n’étaient que des silhouettes sans visage et sans nom, trop
abstraites pour susciter une véritable jalousie. Charles Werner à l’inverse
était bien réel. Individu de chair et de sang, il avait tenu Gabriel dans ses
bras, l’avait possédé chaque fois qu’il le désirait. Les imaginer ensemble
brisait Julian, et la pensée que Gabriel pût éprouver ne fût-ce qu’un peu
d’affection à l’égard de Werner lui était insupportable.
— Non,
ce n’est pas ça, souffla Gabriel d’une voix éteinte, l’air malheureux.
— Tu
le laissais te toucher pourtant ! Sans doute sa présence t’était-elle plus
agréable que tu ne veux bien l’admettre !
Gabriel rougit et ses traits délicats se crispèrent.
— Tu
ne comprends pas, se défendit-il d’une voix raffermie. Je ne ressentais rien
pour lui… rien du tout… Depuis… ça, plus rien n’avait d’importance.
Il releva ses manches et montra les cicatrices qui balafraient ses
poignets.
Julian
le fixa dans les yeux, hésitant visiblement sur le crédit à accorder à ses
propos.
— Tu
ne ressentais donc pas d’amour pour lui ? interrogea-t-il avec espoir.
— Non,
certainement pas de l’amour, répliqua Gabriel d’une voix dure qu’il ne lui
connaissait pas. Jamais.
La fureur de Julian était retombée, mais l’incompréhension persistait,
lui laissant un goût amer dans la bouche.
— Alors
pourquoi veux-tu te rendre à son enterrement ?
Gabriel soupira avec lassitude.
— C’est
difficile à expliquer. J’en ai besoin, c’est tout. S’il te plaît, ne m’en
empêche pas…
Son regard se fit
Weitere Kostenlose Bücher