Le Cercle du Phénix
l’avait
repoussée après leur étreinte puis évitée par la suite – ne plaidait guère
en sa faveur.
Pourquoi
fallait-il que cela arrive maintenant ? Pourquoi Cassandra qui, selon ses
propres dires, l’avait toujours considéré comme un frère, se décidait-elle
aujourd’hui à franchir la barrière qui séparait l’amitié de l’amour ? Ces
questions formaient un maelström dans sa tête et menaçaient de le rendre fou.
Il
devait parler à la jeune femme pour tenter de déchiffrer son attitude.
Peut-être avait-elle agi uniquement sous le coup de l’émotion ? Il était
clair que Cassandra n’était pas dans son état normal lorsqu’ils s’étaient
embrassés : sa rencontre avec sa sœur avait affecté son jugement en
profondeur. Auquel cas, le baiser ne signifiait rien. Mais était-ce réellement
ce qu’il souhaitait ?
Dans quelques instants, il serait fixé sur les intentions de Cassandra,
et si ses craintes (ou ses espérances ?) se confirmaient, il aurait un
choix douloureux à faire.
Andrew respira un grand coup, prit son courage à deux mains et fit jouer
le marteau avec une ardeur excessive. Presque immédiatement, Stevens vint lui
ouvrir et l’invita à entrer. Andrew obtempéra, ne sachant trop s’il
franchissait le seuil du paradis ou celui de l’enfer.
*
D’un geste distrait, Cassandra fit glisser de quelques pouces vers la
droite le vase de Sèvres qui ornait la cheminée de sa chambre. Son esprit ne
cessait de vagabonder, l’empêchant de se concentrer ne fût-ce qu’une minute sur
une occupation précise.
Pour
la première fois depuis quinze ans, elle se sentait assez forte pour assumer
ses sentiments. Toutes ces années, elle avait vécu dans la peur : peur
d’elle-même, peur des autres, peur de l’inconnu. À présent que la menace sourde
et informe qui planait sur sa vie s’était matérialisée sous les traits de sa
sœur disparue, la lancinante sensation d’angoisse qui la paralysait s’était
évaporée. Il était temps pour elle d’aller de l’avant… notamment vis-à-vis
d’Andrew. Désormais, elle n’avait plus aucune excuse.
Andrew… Elle avait réussi à se persuader qu’elle l’aimait comme un frère
alors qu’il représentait bien plus que cela à ses yeux. Cassandra avait
beaucoup réfléchi au cours des derniers jours. Elle avait conscience que pour
se protéger, elle s’était volontairement leurrée, mais aujourd’hui, elle
regardait les choses en face, et l’évidence lui apparaissait dans sa lumineuse
simplicité. Julian avait raison, mieux valait affronter sa peur qu’éprouver des
regrets. Quel que fût le secret d’Andrew, il ne changerait pas la nature de ses
sentiments à son égard. Une dernière inquiétude assaillait toutefois la jeune
femme : Andrew lui pardonnerait-il le mal qu’elle lui avait infligé en le
dédaignant ? Oui, il lui pardonnerait, décida-t-elle, car elle
accomplirait l’impossible pour réparer son erreur.
Un
coup frappé à la porte la fit sursauter. Avant qu’aucun mot n’ait pu franchir
ses lèvres, Andrew entra, l’air anxieux.
— Cassandra…
Prise au dépourvu, la jeune femme s’était figée. Péniblement, elle
parvint à articuler une phrase.
— Bonsoir,
Andrew… Il fait un temps épouvanta…
Elle s’interrompit net, atterrée. Mais que racontait-elle là ? Comme
si quelqu’un se préoccupait du temps qu’il faisait ! Elle allait le faire
fuir en débitant de telles fadaises !
Cassandra
toussota pour se donner une contenance avant de reprendre la parole.
— Voilà
plusieurs jours que tu n’es pas venu…
Dieu qu’elle se sentait empruntée ! Elle n’était vraiment pas douée
pour les discours sentimentaux. Angelia, elle, aurait su d’instinct comment
gérer la situation.
L’espace
d’une seconde, elle envia sa sœur, sûre de sa beauté et de son pouvoir de
séduction.
Andrew
ne paraissait guère plus à l’aise qu’elle. Très raide, il se tenait gauchement
au milieu de la chambre, le regard fuyant.
— Oui,
j’ai eu beaucoup de travail, s’excusa-t-il d’une voix faible.
Il se tut un instant, puis déclara très vite :
— À
propos de l’autre nuit…
Cassandra tressaillit. L’heure de vérité avait sonné. Un frémissement
parcourut ses membres tandis qu’elle répétait en écho :
— À propos
de l’autre nuit…
Andrew s’était tu, ne sachant visiblement plus quoi dire. Bonté
gracieuse, attendait-il
Weitere Kostenlose Bücher