Le Cercle du Phénix
Cassandra craignait toujours qu’un espion se soit
infiltré au manoir, et elle ne voulait pas que la nouvelle de son mariage
parvienne aux oreilles d’Angelia. Elle ignorait quelle serait la réaction de sa
sœur, mais craignait que dans un accès de jalousie celle-ci ne tente de s’en
prendre à Andrew. Aussi jugeait-elle plus prudent de garder le secret, au moins
à titre provisoire.
Peu
importait du reste l’assistance. En cet instant unique, Andrew et Cassandra
étaient seuls au monde et n’avaient d’yeux que l’un pour l’autre. Il leur
semblait que leur mariage était la conclusion naturelle des liens de profonde
affection qui s’étaient tissés entre eux au cours des années écoulées, et qu’il
n’avait que trop tardé.
Dehors,
les premières neiges de décembre voltigeaient dans un silence ouaté.
Chapitre IX
Avec un soupir de lassitude, Julian reposa sur ses genoux les traductions
des parchemins découverts dans les sanctuaires de l’Eau et du Feu. Il était
parvenu à la conclusion que le texte décrypté dont le sens paraissait si obscur
au premier abord recelait un second message, dissimulé sous un autre code.
Toutefois, la complexité de ce deuxième code se révélait telle qu’il n’en était
toujours pas venu à bout.
Julian
jeta un regard en coin à Gabriel qui lisait à ses côtés, ou plutôt qui faisait
semblant de lire, l’air préoccupé.
À maintes
reprises au cours des derniers jours, le jeune homme avait paru tourmenté par
de sombres pensées, et son expression se faisait souvent lointaine. Ses démons
intérieurs le rongeaient-ils de nouveau ? Auquel cas, pourquoi ne se
confiait-il pas à lui au lieu de se cloîtrer dans le mutisme ? Ce silence
blessait Julian. Gabriel n’avait-il pas encore compris qu’il pouvait tout lui
dire ? Il l’aiderait sans le juger. Il lui avait déjà prouvé son amour en
acceptant les facettes les plus ignominieuses de son passé : la
prostitution, les meurtres, Werner… Que pouvait craindre Gabriel à
présent ?
L’idée
que des secrets puissent se dresser entre eux était insupportable à Julian.
C’étaient les non-dits et la dissimulation qui avaient brisé son mariage avec Aerith,
et il se battrait pour que l’histoire ne se répète pas.
Presque
à son insu, l’appréhension s’était infiltrée dans chaque parcelle de son corps,
et il éprouvait maintenant une violente anxiété dont il connaissait
parfaitement la raison.
Gabriel
lui échappait, et il ne savait que faire pour le retenir.
Le
lord secoua la tête. Il ne devait pas se torturer en vain. Surpris par son
mouvement, Gabriel le regarda et lui adressa un sourire inquiet que Julian
s’efforça de lui rendre avant de reporter son attention sur les parchemins de
Cylenius.
Il
lui fallut encore trois jours pour parvenir au terme de son labeur. Au fur et à
mesure qu’il progressait dans le décryptage des documents, sa surprise et son
incrédulité augmentaient, et lorsqu’il eut mis le point final à la traduction,
sa plume se figea et il demeura abasourdi. La foudre s’abattant au milieu de la
pièce n’aurait pas engendré une plus grande stupeur que le contenu des
parchemins, car les conséquences qu’il impliquait donnaient littéralement le vertige.
Cette incroyable issue surpassait de loin les hypothèses les plus folles
échafaudées par Julian et ses compagnons. Tel était donc le secret du cinquième
élément, celui qui devait indiquer l’emplacement du dernier sanctuaire.
Julian
se leva brusquement, décidé à en avoir le cœur net. Il fila prévenir Gabriel
qu’il s’absentait durant quelques heures et, sans lui laisser le temps de
répondre, descendit faire préparer sa voiture. Cassandra, Nicholas, Jeremy et
les Ward étant absents, il ne perdit pas de temps à justifier son départ
précipité, et moins d’une heure plus tard il se trouvait à Londres, dans
Berkeley Square.
Avant
même qu’il n’ait eu le temps de signaler sa présence en sonnant, la porte
s’ouvrit et Julian se retrouva face à Dolem, pâle silhouette drapée de
mousseline noire, ses cheveux blonds cendrés lui tombant droit jusqu’à la
taille comme un pan de soie. Ils demeurèrent silencieux quelques secondes, se
jaugeant mutuellement, puis Dolem demanda :
— Que
désirez-vous, Lord Ashcroft ?
Julian l’observa avec acuité, puis déclara à voix basse :
— Je
viens voir un miracle, je viens voir une créature fantastique dont
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