Le Cercle du Phénix
veux louer le Seigneur de la création, le Tout et l’Un.
Que les cieux s’ouvrent, et que les vents se taisent.
Que toutes les facultés qui sont en moi célèbrent le Tout et l’Un.
À peine avait-elle prononcé ces mots qu’un léger bruissement
se fit entendre. Une colonne de marbre de laquelle jaillissaient en arcs de cercle
des filets d’eau limpide et scintillante émergea des profondeurs de la vasque.
Au sommet de la colonne trônait un étincelant et majestueux oiseau d’or aux
ailes déployées qui dardait les rubis qui lui tenaient lieu d’yeux sur l’entrée
de la salle.
— Un
Phénix, chuchota Dolem, la plus noble des créatures. Comme lui, la pierre
philosophale renaît de ses cendres, puisqu’elle est de même nature que ce qui
l’engendre. Le Grand Œuvre est le travail entier de la renaissance du Phénix.
Mais la pierre peut également être assimilée au Christ qui meurt et ressuscite…
— Ce
n’est vraiment pas le moment de faire un cours de catéchisme ! cingla
Angelia. Où est la pierre ?
Sans répondre, Dolem caressa la tête
du Phénix. Le bec de l’oiseau s’ouvrit alors et tout le monde retint son
souffle : la pierre philosophale se dévoilait enfin à leur regard.
De la taille d’un poing fermé et de forme polyédrique,
la pierre ressemblait à une escarboucle : d’un rouge à la fois éclatant et
diaphane, elle brillait comme du verre en morceaux. Les doigts d’Angelia se
resserrèrent sur ceux de sa sœur, et elle parut submergée par l’émotion. Lentement,
elle fit deux pas vers la vasque, Cassandra à ses côtés, mais ne l’atteignit
pas. Elle poussa soudain un gémissement en portant la main à sa nuque, et ses
jambes se dérobèrent sous elle. Stupéfaite, Cassandra dut la retenir pour
l’empêcher de s’effondrer sur le sol dur. Derrière elle se tenait Nicholas, un
pistolet à la main et une expression féroce sur le visage. Il venait
manifestement d’assommer la jeune femme avec la crosse de son pistolet.
— Pourquoi
avez-vous fait cela ? cria Cassandra, furieuse, tout en allongeant avec
précaution sa sœur évanouie sur les dalles argentées. Votre geste inconsidéré
pourrait coûter la vie à nos compagnons !
— Angelia
Killinton a commis l’erreur de baisser sa garde quelques secondes, et j’en ai
profité. Elle ne doit à aucun prix s’emparer de la pierre philosophale, vous
êtes mieux placée que quiconque pour le savoir !
Cassandra baissa la tête et fixa le
visage de sa sœur d’un air pensif. Puis elle se leva et se dirigea vers la
vasque, suivie des yeux par Dolem et Nicholas. Elle hésita une seconde, tendit
une main tremblante vers le bec du Phénix, et referma ses doigts sur la pierre
écarlate ruisselante de lumière, qui s’avéra plus lourde qu’elle ne l’aurait
supposé. De même, l’étrange odeur de sel marin calciné qu’elle dégageait la
surprit.
— Personne
ne devrait posséder cette pierre, murmura la jeune femme, personne ne la
mérite…
Elle se tut et réfléchit intensément.
Pour finir, elle parut prendre une décision et laissa tomber sur un ton de
certitude inébranlable :
— Il
faut la détruire, c’est la seule solution.
Nicholas et Dolem eurent un
haut-le-corps, mais Cassandra n’y prit pas garde. Elle s’approcha de la porte
creusée dans la paroi montagneuse et jeta un coup d’œil au gouffre qui
s’ouvrait à ses pieds. Y jeter la pierre résoudrait tous les problèmes. Si elle
ne le faisait pas, Angelia ne cesserait de vouloir s’en emparer, et tôt ou tard
elle parviendrait à ses fins. Nicholas avait raison : l’œuvre de Cylenius
ne devait pour rien au monde tomber entre les mains scélérates de sa sœur.
Cassandra contempla la lourde pierre translucide une dernière fois, consciente
de tenir un mythe dans le creux de sa paume.
— Ne
faites pas ça !
Cassandra releva la tête et se tourna
vers Nicholas qui la dévisageait avec inquiétude.
— C’est
la meilleure chose à faire, Nicholas, vous le savez.
— Mon
père n’aurait pas toléré un tel sacrilège… Il a travaillé trop dur et trop
longtemps pour trouver cette pierre. Si vous la détruisez, vous briserez son
rêve en même temps ! Tous ses efforts auront été inutiles et il sera mort
pour rien !
— Je
sais cela, répondit Cassandra avec calme, et j’en suis sincèrement navrée. Mais
votre père a ouvert la boîte de Pandore, et c’est à nous qu’il
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