Le Cercle du Phénix
lisez trop de romans. Personne
ne meurt d’amour. En réalité, je me demande si vous ne seriez pas un peu
jalouse de Cassandra…
Megan se retourna vivement vers lui, les joues en feu.
— Jalouse,
moi ? Ne soyez pas ridicule !
— Bien
sûr que si. Vous lui en voulez d’accaparer l’affection d’Andrew, sentiment bien
compréhensible puisqu’il constitue votre seule famille : les liens qui
vous unissent sont très forts. Mais surtout, vous enviez la manière de vivre de
Cassandra, car contrairement à vous, elle mène l’existence qu’elle souhaite, en
toute indépendance. Je crois que votre personnage de jeune fille bien élevée
vous ennuie atrocement. Je me trompe ?
Stupéfaite, Megan ne répondit pas. Il y avait un fond de
vérité dans les paroles de Nicholas, même si elle ne se l’avouait qu’avec
peine. En quelques mots, il avait mis à jour des sentiments enfouis au plus
profond de son cœur. La désagréable impression d’être transparente s’insinua en
elle, renforçant son malaise.
— Mais
il y a un prix à payer, poursuivit Nicholas d’une voix grave.
— Un
prix à payer ? répéta Megan sans comprendre.
— La
solitude. La solitude est le prix à payer pour pouvoir mener sa vie comme on
l’entend, a
fortiori lorsque l’on a la
malchance d’être une femme. D’après ce que j’ai pu observer, Cassandra mène une
vie sociale peu intense : pas de famille, de rares amis, sans doute
quelques relations d’affaires, et voilà tout…
Megan fronça les sourcils et prit une légère
inspiration.
— La
solitude est-elle une si mauvaise chose, M. Ferguson ? Parfois, je me
dis qu’être seule au monde doit être un soulagement. Il n’y a personne pour
vous juger, personne que vous ayez le devoir de rendre heureux, personne que
vous risquiez de décevoir et de faire souffrir parce que vous ne correspondez
pas à ses attentes. Toutes les contraintes s’effacent d’un coup…
Elle frissonna et rajusta les châles sur ses épaules.
— C’est
affreux, n’est-ce pas ? Quelles pensées monstrueuses…
Nicholas l’observait attentivement, et une commisération
mêlée d’indulgence se lisait pour la première fois sur son visage.
— Votre
frère vous aime, Miss Ward.
Un sourire sans joie étira les lèvres de Megan.
— Je
sais qu’il m’aime profondément, avec mes qualités et mes défauts, bien que je
ne sois pas une sœur parfaite. Mais quelquefois je me sens coupable, car à
aucun prix je ne voudrais être celle qu’il voudrait que je sois.
Elle avait prononcé ces derniers mots à voix très basse.
Elle tressaillit, et ajouta d’une voix plus basse encore où perçait une pointe
de rancune :
— Il
n’aspire qu’à me voir faire un beau mariage. Mais me marier, avoir des enfants…
je méprise ce destin facile. Quelle arrogance de ma part…
Elle se raidit, les yeux fixés sur la forêt au loin, et
conclut dans un soupir :
— J’ai
eu tort de vous raconter tout cela…
Des roues crissèrent à cet instant sur le gravier de
l’allée centrale, et une voiture invisible de la terrasse s’arrêta devant le
porche du manoir. Nicholas et Megan échangèrent un coup d’œil puis se
précipitèrent de concert vers le hall, où se trouvaient déjà Andrew, Julian et
Jeremy.
La silhouette de Cassandra se découpa dans l’embrasure
de la porte d’entrée. Elle portait un paquet de belle dimension, qu’elle
s’empressa d’aller poser sur la table du salon, suivie de près par le petit
groupe impatient. Elle fit ensuite volte-face, sourire aux lèvres.
— Vous
avez réussi à trouver l’horloge de Cylenius ? souffla Jeremy, incrédule.
Cassandra hocha la tête et défit avec précaution
l’emballage qui protégeait l’objet, sous les regards étonnés de ses compagnons.
De fait, cette horloge ne ressemblait en rien à celles qu’ils avaient pu voir
auparavant. Réalisée en faïence, délicatement peinte à la main de motifs
aquatiques, elle était constituée d’un récipient cylindrique surmonté d’une
statuette du dieu de la mer Neptune tenant un trident doré pointé vers une
colonne graduée.
— C’est
beau…, murmura Megan. Mais comment fonctionne-t-elle ?
Ce fut Julian qui répondit :
— Je
crois qu’elle a été conçue sur le modèle de l’horloge à eau de Ctésibios.
— Ctésibios ?
— Un
savant grec du III e siècle avant Jésus-Christ.
Il se pencha sur l’horloge et la
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