Le Cercle du Phénix
l’avoir endommagée au cours
de sa fuite épique. Mais par miracle, elle était intacte.
*
Les mains appuyées sur la balustrade en pierre de la
terrasse du manoir, Megan surplombait la pelouse en pente douce aboutissant à
la forêt avoisinante, enflammée par le soleil couchant. La jeune fille aurait
bien aimé que Cassandra revienne. Non pas qu’elle s’inquiétât à son sujet
(Cassandra était comme les chats, elle retombait toujours sur ses pattes), mais
l’aventure des Triangles de Cylenius, qui avait débuté de si passionnante
façon, en était au point mort depuis son départ, et Megan commençait à
s’ennuyer.
Ce soir-là, tout le monde était réuni au manoir
Jamiston, devenu le centre de ralliement du groupe. Lord Ashcroft se trouvait
dans sa chambre, plongé dans la lecture d’un recueil de poésies. Megan aimait
bien Julian. Il était très gentil, quoique assez intimidant. Pour être tout à
fait honnête, il était si grave et austère qu’elle avait du mal à se sentir
complètement à l’aise en sa compagnie ; elle craignait constamment de
commettre une bévue en sa présence. Quant à Jeremy, Nicholas et Andrew, ils
discutaient dans le salon, échafaudant des hypothèses sur l’endroit où pouvait
se trouver Cassandra, et essayant de déterminer la conduite à tenir si elle ne
réapparaissait pas dans les prochaines heures. Le journaliste était un
personnage dénué d’élégance et peu porté sur le respect des conventions, ce qui
le rendait sympathique à Megan. Pour le peu qu’elle l’avait vu, il paraissait
assez amusant. Et Nicholas Ferguson… Nicholas était très, très séduisant…
— À quoi
pensez-vous, Miss Ward ?
Megan sursauta et fit volte-face, confuse. Nicholas se
tenait derrière elle, arborant un sourire ironique comme s’il avait pu lire
dans ses pensées.
— À…
à rien de spécial, balbutia Megan qui fit un effort désespéré pour reprendre
ses esprits.
Ferguson vint se poster auprès d’elle. Malgré la
fraîcheur automnale, il ne portait qu’une chemise blanche et un gilet court à
revers arrondis mordoré, assorti à son pantalon coupé dans un tissu très léger.
Megan se sentit un peu ridicule, emmitouflée dans ses trois châles en laine de
Shetland.
— Le
coucher du soleil est magnifique, déclara Nicholas sur le ton de la
conversation.
— En
effet, murmura Megan tout en regrettant amèrement de ne rien trouver de plus
intelligent à dire.
Le silence régna quelques minutes entre eux, avant
d’être rompu par Nicholas.
— Vous
n’appréciez guère Cassandra, n’est-ce pas ? demanda-t-il brusquement.
Megan tressaillit, surprise par le caractère direct de
la question. Étant d’un naturel franc (d’une franchise qui frôlait souvent
l’impertinence il est vrai, elle en avait conscience et ne faisait rien pour se
corriger, bien au contraire), elle répondit sans ambages.
— Cela
se voit tant que ça ?
— Oh
oui ! assura Nicholas en riant.
— Comment
l’apprécier ? dit-elle avec lenteur. Elle vit depuis toujours dans un bloc
de glace, incapable d’aimer et de comprendre les émotions d’autrui. Elle n’a
que l’apparence de l’altruisme. Je sais qui elle est, et je n’aime pas ce
qu’elle représente.
Nicholas la scruta fixement, l’air soudain très sérieux.
— Je
vous trouve sévère, Miss Ward.
— Non,
réaliste. Je la connais depuis bien plus longtemps que vous.
— Comment
l’avez-vous rencontrée ? Racontez-moi.
Le visage de la jeune fille se plissa sous l’effet de la contrariété.
— Cette
histoire n’a guère d’intérêt.
— Je
vous en prie, insista Nicholas avec un sourire cajoleur.
Megan rougit. L’avocat savait se montrer très persuasif.
— Comme
vous voulez, mais ce n’est pas très joli. Mon père l’a recueillie quand elle
avait treize ans environ, après qu’Andrew l’ait trouvée dans la rue à moitié
morte de faim et de froid.
— Votre
père était un homme très généreux. Offrir l’asile à une inconnue débarquée de
nulle part…
— C’était
un saint, répondit sérieusement Megan. Andrew lui ressemble beaucoup de ce
point de vue. Il adore s’occuper des autres et se faire du souci pour eux,
c’est sa principale raison de vivre. Alors qu’il ne s’en fait jamais pour lui…
— Avez-vous
fini par apprendre d’où Cassandra venait ? interrogea Nicholas,
manifestement plus intéressé par la vie de la
Weitere Kostenlose Bücher