Le Cercle du Phénix
jugea préférable de ne pas
s’étendre sur la lutte qui venait de les opposer, Nicholas et elle, aux hommes
de main du Cercle.
— Nos
poursuivants nous talonnent, se contenta-t-elle de déclarer, ne traînons pas
ici.
Les autres se raidirent, conscients de la menace, et ils
poursuivirent leur route d’un pas véloce, jusqu’au terme du couloir où les
rafales cessaient brusquement de faire entendre leurs vociférations. Sur le mur
de droite était scellée une autre plaque d’émeraude où se lisait en lettres
d’or une injonction en latin : « Visita Interiora Terrae, Rectificando Inverties Occultum
Lapident. »
— « Visite
les parties intérieures de la Terre, par rectification tu trouveras la pierre
cachée », traduisit Julian qui, même au plus fort du danger, ne pouvait
s’empêcher de prêter attention aux messages alchimiques qui les entouraient. En
somme, pour obtenir la pierre philosophale, il suffit de réduire les corps
métalliques en leur matière première au moyen du Vitriol.
— Juste
ciel, de quoi parlez-vous ? s’inquiéta Jeremy.
— Comme
vous le savez, les alchimistes utilisaient parfois des acrostiches pour
protéger leurs secrets. C’est le cas ici : les premières lettres de chaque
mot réunies forment « Vitriol », l’une des expressions de la matière
mercurielle, clé du processus de transmutation.
— Il
semblerait en effet que nous devions visiter les entrailles de la terre, dit
Nicholas qui avait avancé de quelques pas. Voici un nouvel escalier qui descend
vers l’inconnu…
Un souffle d’air glacé les accueillit en haut des
marches. Creusé à même la roche, l’escalier s’enfonçait abruptement dans les
profondeurs obscures de l’île, éclairé de loin en loin par la lueur rougeâtre
d’une lampe perpétuelle. D’étroites ouvertures étaient ménagées à intervalles
réguliers dans les parois et laissaient filtrer la lumière blafarde du jour,
tandis qu’un vent froid amenait jusqu’à leurs narines l’odeur fraîche et
piquante du varech et de la mer toute proche.
Jeremy s’avança avec prudence au bord des marches
crevassées et scruta le gouffre sombre qui s’ouvrait à ses pieds.
— On
ne distingue pas ce qu’il y a en bas, souffla-t-il, la mine lugubre. Je suppose
que nous sommes obligés d’aller voir par nous-mêmes…
— Vous
supposez bien, ironisa Nicholas. À moins de rebrousser chemin et de tomber dans
les griffes de nos poursuivants, nous n’avons guère le choix !
Montrant l’exemple, il entreprit de descendre quelques
degrés. Les autres lui emboîtèrent le pas avec circonspection, soucieux de ne
pas glisser ou trébucher sur les marches humides. À un moment, un dernier jet
de lumière gicla par une fissure, puis les fentes cessèrent et seules les
lampes perpétuelles continuèrent à éclairer les lieux. Les murs suintaient, et
des gouttes d’eau tombaient sur le sol.
— Nous
sommes passés sous le niveau de la mer, annonça Julian d’un air ravi.
— Formidable,
grommela Jeremy entre ses dents, vraiment formidable…
En suivant le serpent lumineux formé par les lampes, ils
parvinrent cependant sans encombre au bas de l’escalier. Là, ils se figèrent et
tendirent l’oreille, guettant la présence d’hommes du Cercle derrière eux, mais
nul bruit suspect, nulle respiration étrangère ne se fit entendre.
Peu rassurés par ce silence qu’ils savaient trompeur,
ils poursuivirent néanmoins leur chemin jusqu’à ce qu’un embranchement les
oblige à interrompre leur progression.
— À
droite ou à gauche ? interrogea Andrew.
Les lampes s’étaient multipliées et les alentours
flamboyaient d’une vive lumière, mais la clarté ne facilitait pas le choix car
les deux voies possibles se ressemblaient comme des jumelles avec leurs murs
nus et gris, dépourvus de signes distinctifs particuliers.
— À droite,
au hasard, répondit Nicholas avec un léger haussement d’épaules.
Un peu plus loin, le chemin se scindait de nouveau.
— À droite
encore, décida Cassandra.
Au troisième embranchement, un horrible soupçon
s’infiltra dans leur esprit.
— On
dirait un labyrinthe…, déclara Megan d’une voix mal assurée.
Un spasme d’angoisse parcourut le groupe, qui s’imagina
aussitôt errant à l’aveuglette dans ces couloirs froids et humides jusqu’à ce
que mort s’en suive.
— Retournons
à l’entrée avant de nous perdre complètement, ordonna
Weitere Kostenlose Bücher