Le Cercle du Phénix
ramassa l’objet brillant qui avait
capté son attention. Il s’agissait d’une bague, d’une chevalière plus
précisément. Une lampe perpétuelle éclairant la petite salle, elle s’en
approchait afin d’examiner sa trouvaille de plus près lorsque le sentiment
d’être observée la cloua sur place. Était-ce le fruit de son imagination ?
Une aura glacée semblait se répandre en nappes dans la pièce et l’envelopper de
son étreinte mortelle.
Megan réalisa alors avec épouvante que les voix de ses
compagnons, encore toutes proches à l’instant, ne lui parvenaient plus. À la
place, un silence écrasant emplissait ses oreilles, que seule troublait sa
respiration saccadée. Son cœur s’affola, ses membres se mirent à trembler, et
elle eut l’impression que les murs se rapprochaient d’elle pour la piéger et
l’empêcher de s’échapper. Elle se retourna avec une lenteur craintive, et
soudain, elle le vit. Immobile, sa mince silhouette se détachait dans
l’encadrement de l’entrée. La pénombre empêchait Megan de distinguer ses traits
et l’expression de son visage, mais c’était sans importance : la blancheur
de ses cheveux et le poignard qu’il tenait à la main lui avaient déjà révélé
l’identité de l’homme.
Elle voulut dire quelque chose, appeler à l’aide,
consciente que sa vie ne tenait peut-être plus qu’à un fil, mais l’effroi colla
sa langue à son palais et elle fut incapable d’émettre le moindre son.
Elle envisagea brièvement de s’évanouir, mais son corps
refusa d’obtempérer et elle demeura désespérément lucide, en proie à une crise
de panique incontrôlable.
Elle avait lu un jour que lorsqu’une personne était sur
le point de mourir, les images de sa vie passée défilaient devant ses yeux. Eh
bien, c’était absolument faux. En réalité, ce que Megan voyait en cet instant
fatal, c’était son avenir gâché, toutes les choses qu’elle ne ferait pas, tous
les rêves qui ne se réaliseraient pas.
Terrassée par l’émotion, elle poussa un cri et tomba à
genoux, attendant sa fin.
*
Cassandra courait à perdre haleine dans le labyrinthe. Elle
espérait que son poursuivant était le garçon aux cheveux blancs car elle avait
un compte à régler avec lui. Sa réaction était infantile, elle le savait, mais
son amour-propre avait été blessé quand il était parvenu à lui subtiliser le
Triangle de la Terre, et elle brûlait de prendre sa revanche. Haletante, elle
passa une porte de roc grossièrement taillée et déboucha dans une grande salle
raboteuse, à la voûte basse et aux murs luisants. Il n’y avait personne.
Un torrent serpentait en travers de la grotte et se
fracassait contre les rochers avec un grondement sourd, apocalyptique. Des
blocs de glace surnageaient à la surface des flots, et leur seule vision
suffisait à sentir un froid mordant s’infiltrer jusque dans la moelle des os.
Cassandra s’immobilisa, les yeux rivés sur ce spectacle. À observer cette eau
glaciale et sauvage, d’une pureté angoissante, une singulière impression
s’empara de la jeune femme, comme si un fragment de son passé enfoui depuis
longtemps luttait pour reprendre sa place parmi ses souvenirs. Elle tenta de se
concentrer sur ce début de réminiscence, mais il s’évapora aussitôt de son
cerveau. Elle éprouvait parfois cette sensation en émergeant d’un
cauchemar ; elle savait qu’elle avait perdu
quelque chose d’essentiel, de vital, qui avait laissé en elle un vide immense,
et que cette chose était encore là, tout près, à portée de main. Puis elle
était complètement éveillée, et elle n’avait plus la moindre idée de ce qu’elle
cherchait.
La respiration de Cassandra s’accéléra. Sa gorge devint
douloureusement sèche et sa vision s’obscurcit. Sans à peine avoir conscience
de ce qu’elle faisait, elle se dirigea vers le torrent. L’eau glacée l’attirait
irrésistiblement et elle ne pouvait résister à son appel. Le tracas des flots
lui parvenait curieusement assourdi à présent. Comme hypnotisée, elle entra
dans l’eau. Le froid lui arracha un cri ; ce fut comme si des milliers
d’aiguilles lui trouaient la peau et s’incrustaient dans sa chair. Le souffle
coupé, elle s’enfonça encore davantage dans le torrent. Elle ne parvenait plus
à réfléchir. Seule une subite envie de mourir tournait dans sa tête, et ce
désir de mort lui paraissait naturel. Il serait si simple d’en finir,
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