Le Cercle du Phénix
soudain Nicholas.
Tout le monde se hâta d’obtempérer, et c’est avec
soulagement qu’ils regagnèrent leur point de départ.
— Il
serait suicidaire de nous engager dans ce dédale sans avoir la certitude de
pouvoir retrouver la sortie, dit Nicholas. Personne ne sait où nous sommes,
nous devons donc prendre nos précautions.
Cassandra parut tout à coup songeuse.
— Un
motif de labyrinthe décorait le carrelage du couloir de Dolem, fit-elle
remarquer. Est-ce une coïncidence ?
— Je
ne pense pas, répondit Julian. Dans les manuscrits alchimiques, le labyrinthe
symbolise les embûches liées à la réalisation du Grand Œuvre. Il est
emblématique des deux difficultés majeures que comporte l’ouvrage : celle
de la voie qu’il convient de suivre pour atteindre le centre du labyrinthe, où
se livre le combat du Soufre et du Mercure, et celle du chemin que l’alchimiste
doit suivre pour en ressortir. Le premier point a trait à la connaissance de la
Matière, qui assure l’entrée, et à sa préparation, que l’alchimiste accomplit
au centre du dédale. Le second concerne la mutation par le feu de la matière
préparée : l’alchimiste refait en sens inverse, mais avec prudence et
lenteur, le parcours rapidement effectué au début de son labeur. Les impasses
sont nombreuses, et causent le désespoir et la ruine de ceux qui, sans étude
préalable sérieuse, se mettent néanmoins en route.
— Nous
sommes mal partis alors ! s’affligea Jeremy.
— Il
est vain de se lamenter, enjoignit Nicholas d’un ton ferme. Le tout est de
s’assurer que nous retrouverons la sortie sans mal. J’ai pensé à amener une
corde, ajouta-t-il en fouillant dans le large sac qui pendait à son côté, mais
je ne vois nulle part où l’attacher…
Il jeta des regards acérés autour de lui, mais les murs
lisses et dénudés n’offraient pas l’ombre d’une prise.
— Un
rocher nous aurait été utile, mais Cylenius semble avoir pensé à tout… Nous
allons devoir trouver une autre solution. Quelqu’un a-t-il une idée ?
Tous réfléchirent intensément au moyen de marquer leur
progression dans le labyrinthe, puis le visage de Jeremy s’éclaira. Il sortit
de sa poche une bouteille d’encre et la brandit avec enthousiasme.
— Faute
de mieux, nous pouvons numéroter les couloirs avec cette encre au fur et à
mesure que nous avancerons.
Ils reprirent le couloir de droite, sur le mur duquel
Jeremy traça avec le doigt un grand « 1 », puis bifurquèrent de
nouveau à droite. Ils avancèrent ainsi au hasard jusqu’à ce qu’Andrew attire
l’attention de ses compagnons sur un motif qui leur était désormais familier.
— Un
ouroboros, commenta Julian en examinant la paroi. Le symbole de l’Unité,
fondement du Grand Œuvre. Nous devons être dans la bonne direction.
À l’embranchement suivant, le mur du couloir de droite
s’ornait d’une gracieuse figure de femme, tandis que celui de gauche était
gardé par un démon noir et cornu, couvert de lames écailleuses. Tous les
regards se tournèrent vers Julian, qui réfléchit quelques secondes avant de laisser
tomber :
— À gauche.
— En
êtes-vous certain ? s’inquiéta Jeremy. Le couloir de droite me paraît plus
avenant.
— Le
diable est l’un des hiéroglyphes de la matière première, qui est la pierre
angulaire sur laquelle le Grand Œuvre est édifié. Cette matière, dont l’aspect
est laid et repoussant, est le seul corps capable, dans toute la nature, de
procurer à l’alchimiste les éléments essentiels à la fabrication de la pierre
philosophale. Elle est vile et méprisée, et pourtant en elle l’or sommeille.
— Et
quelle est donc cette fabuleuse matière ? s’enquit Nicholas, intrigué.
— Cela,
nul ne le sait, soupira Julian. Le mystère qui l’entoure est l’un des mieux
gardés par les adeptes. Mais voilà pourquoi je pense que nous devons aller à
gauche.
Sans attendre de réponse, il bifurqua dans le passage,
aussitôt suivi par ses compagnons. Ils cheminèrent ainsi quelques minutes,
Jeremy continuant à numéroter scrupuleusement les couloirs. De temps à autre,
le labyrinthe débouchait sur des culs-de-sac, pièces de dimensions variables
aux murs humides et rocailleux et à la voûte basse et sombre. À un autre
embranchement, ils eurent le choix entre deux chemins : le premier était
gardé par un dragon noir, le second par un scarabée. Julian n’hésita
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