Le Cercle du Phénix
Certainement
personne, répondit Cassandra en lui rendant son sourire. Je viens à l’instant
de voir Julian, son état s’améliore peu à peu.
Nicholas hocha la tête d’un air satisfait.
— C’est
une très bonne chose.
Ses lèvres se retroussèrent légèrement en une grimace
ironique.
— Et
Jeremy ? s’enquit-il, une pointe de mépris dans la voix. S’est-il remis du
choc ? Il s’est littéralement décomposé de peur quand il a vu l’assassin.
Sa réaction ne dénotait pas une grande force de caractère…
— Il
est assez émotif, admit Cassandra, un peu agacée par le ton dédaigneux de
Ferguson, mais il faut reconnaître que cette visite était très inattendue. Il a
été pris par surprise. Et puis, tout le monde n’a pas comme vous l’habitude de
côtoyer des criminels.
Nicholas lui jeta un curieux regard.
— Dieu
merci, il m’arrive également de côtoyer des innocents !
Cassandra s’approcha de la porte.
— Je
dois parler au prisonnier.
L’avocat s’effaça pour lui laisser le passage et sortit
un trousseau de clés de sa poche.
— Soyez
sur vos gardes. Même désarmé, il reste dangereux.
— Ne
vous inquiétez pas, dit-elle en montrant le pistolet qui pendait à sa taille.
Nicholas émit un sifflement admiratif.
— Quelle
femme prévoyante !
Il fit jouer une des clés dans la serrure de la porte
qui s’ouvrit en grinçant abominablement. Elle donnait sur un étroit escalier de
pierre en colimaçon, éclairé de loin en loin par une petite fenêtre ogivale. Au
sommet de l’escalier se dressait une seconde porte de chêne, que Nicholas ouvrit
grâce à une autre clé.
— La
cellule idéale, fit-il remarquer. Deux portes massives, et des fenêtres trop
petites pour donner passage à un adulte. C’est Stevens qui nous a donné l’idée
en votre absence. La pièce étant restée longtemps inhabitée, il a ajouté qu’il
enverrait quelqu’un faire le ménage dans la matinée.
Cassandra sourit. Stevens était une perle de majordome,
et sa conscience professionnelle frisait le sacerdoce (ou la folie, c’était
selon). De plus, en tant qu’ancien bagnard, il s’y connaissait en détention.
Nicholas poussa le battant et Cassandra, en proie à une
soudaine appréhension, pénétra à pas lents dans la prison. Nicholas se posta
près de la porte, pistolet au poing.
Seules deux minuscules lucarnes percées dans le toit
pentu éclairaient d’un jour grisâtre la pièce cerclée de pierre. Les rares
meubles qui l’occupaient étaient couverts d’une épaisse couche de poussière, et
des araignées avaient tissé leurs toiles dans les recoins obscurs du plafond.
La chambre n’avait visiblement pas reçu de visiteurs depuis une éternité.
Assis sur le sol, les bras enlaçant ses genoux et le
regard perdu dans le vide, le garçon aux cheveux blancs s’harmonisait
parfaitement avec le décor lugubre. Cassandra vint se placer devant lui. Il
leva alors la tête et ses yeux croisèrent ceux de la jeune femme. Avec un
certain étonnement, celle-ci crut y lire de l’inquiétude. L’assassin du Cercle
craignait-il pour sa vie maintenant que ses ennemis le tenaient entre leurs
mains ? À moins que, comme l’avait suggéré Andrew et aussi surprenant que
cela pût paraître, il ne s’inquiétât réellement pour Julian.
Un morne silence s’était installé entre eux. Le jeune
homme ne paraissant pas disposé à entamer la conversation, Cassandra parla la
première.
— Grâce
à l’antidote que vous nous avez fourni, Lord Ashcroft est à présent hors de
danger.
Elle guetta sa réaction avec avidité. Il lui sembla
discerner une fugace expression de soulagement sur son visage, mais déjà le
garçon s’était muré dans son impassibilité coutumière et Cassandra se demanda
si elle n’avait pas rêvé.
Le quart d’heure suivant mit ses nerfs à rude épreuve.
Il se révéla en effet impossible de soutirer le moindre mot à l’homme de main
du Cercle du Phénix. Ni les menaces, ni les tentatives de conciliation ne parvinrent
à le faire sortir de son mutisme.
Dépitée, Cassandra s’avoua finalement vaincue. Après un
dernier regard courroucé à l’assassin qui resta de marbre, elle sortit de la
pièce à grandes enjambées et retrouva Nicholas dans le couloir.
— Autant
parler à un mur ! dit-elle avec irritation. Il n’a pas daigné m’adresser
une parole !
— Peut-être
est-il muet, suggéra Nicholas. Après tout,
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