Le Cercle du Phénix
à lui serait
suicidaire.
Julian s’était raidi à l’évocation des crimes du jeune
homme, mais il se ressaisit très vite.
— Il
m’a sauvé la vie, dit-il simplement.
— Certes,
intervint Cassandra, que l’attitude de son ami alarmait, mais cela fait
peut-être partie d’une stratégie élaborée par le Cercle du Phénix pour nous
manipuler…
— Tout
à fait ! renchérit Jeremy avec véhémence. Il est certainement venu pour
nous voler les Triangles et le parchemin.
— Le
Triangle de l’Eau au moins est en sécurité, coupa la maîtresse des lieux. Je
l’ai caché dans un endroit connu de moi seule ; il faudrait retourner ce
manoir pierre par pierre pour le trouver.
Nicholas tressaillit et la colère crispa un instant ses
traits. Il parut sur le point de protester mais y renonça finalement.
— Il
faut que je voie ce garçon, répéta Julian qui ne démordait pas de son idée.
Il paraissait inflexible. Cassandra hésita, puis céda à
contrecœur.
— D’accord,
si vous y tenez…
— À
vos risques et périls ! lâcha Jeremy, contrarié, avant de quitter la pièce
en refermant la porte derrière lui d’un coup sec.
*
Une demi-heure plus tard, Julian, les bras chargés d’un
lourd plateau couvert de mets fumants, montait avec précaution l’escalier de
pierre menant au sommet de la tour. Ses mains tremblaient, et son cœur battait
la chamade. Cassandra, qui se tenait près de lui, l’observait d’un œil perçant
comme si elle essayait de sonder son esprit. Mal à l’aise, il fit une prière
silencieuse pour que son trouble ne fût pas trop visible.
Cassandra ouvrit la deuxième porte avec son trousseau de
clés. Avant de pousser le battant, elle se tourna vers Julian, l’air soucieux.
— Je
vais vous laisser seul avec lui, mais je resterai là, prête à intervenir au
moindre problème. Êtes-vous certain de ne pas vouloir d’arme ?
— Ce
ne sera pas nécessaire, affirma-t-il.
Cassandra soupira, résignée, et s’effaça pour lui
laisser le passage. Julian respira profondément puis pénétra dans la pièce en
affichant une assurance qu’il était très loin d’éprouver en réalité. Derrière
lui, la porte se referma avec un grincement.
La mansarde, éclairée par une simple lampe, était
plongée dans une semi-obscurité glaciale. Laissé à l’abandon, le feu s’était
éteint dans la cheminée noircie par la fumée. Le garçon aux cheveux blancs
était toujours assis sur le sol, les genoux entourés de ses bras, et fixait un
point invisible sur le mur. Lorsque Julian entra, il tourna lentement la tête
vers lui et son regard éteint parut un instant s’illuminer. Puis il se
recroquevilla davantage sur lui-même, dans une attitude de souffrance profonde
qui bouleversa Julian.
Celui-ci posa le plateau sur une petite table et s’assit
sans quitter des yeux le jeune homme.
— Venez
manger, dit-il avec douceur.
Une expression intriguée s’afficha sur les traits du
garçon, mais il ne bougea pas.
— Mangez,
répéta Julian, avant que les plats ne refroidissent. Vous allez tomber malade
si vous persistez à refuser de vous nourrir.
Le jeune homme le considéra longuement comme s’il
cherchait à percer ses intentions. Julian soutint son regard sans ciller,
conscient qu’il échouerait à gagner sa confiance s’il trahissait le moindre
signe de doute ou de faiblesse. Enfin, le garçon se leva avec hésitation et
vint s’installer à la table. Indécis, il observa son assiette, puis Julian qui
l’encouragea d’un sourire, de nouveau son assiette, et se décida enfin à
entamer son repas.
— Très
bien…, murmura le lord en le regardant manger d’un air satisfait.
*
Les journées suivantes traînèrent désespérément en
longueur. L’inactivité pesait à tous, une nervosité presque palpable flottait
dans l’atmosphère, et le temps exécrable n’arrangeait l’humeur de personne.
Depuis leur retour d’Ecosse, ils tournaient en rond. Certes, ils s’étaient
appropriés le Triangle de l’Eau, mais personne n’avait la moindre idée de la
conduite à tenir désormais.
Leur seul espoir résidait dans le parchemin crypté
découvert dans le sanctuaire écossais. Julian s’était attelé à son décodage,
mais, selon ses propres dires, la tâche était si complexe qu’elle nécessiterait
plusieurs jours, voire plusieurs semaines. En attendant, c’était le Cercle du
Phénix qui avait la main. Et,
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