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Le Chant de l'épée

Le Chant de l'épée

Titel: Le Chant de l'épée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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pour
rejoindre son lit au-delà du pont, bouillonnait encore, puis se calmait.
    Et Ralla mettait le cap sur la brèche qu’il
voyait se dessiner à peine sur le ciel pâlissant au levant. Derrière nous, c’était
la nuit, mais j’aperçus dans les reflets la proue du navire d’Osric qui nous
suivait de près.
    — Cramponnez-vous ! hurla Ralla à l’équipage.
    Le navire siffla, frémit et sembla prendre de
la vitesse, puis je vis le pont se précipiter sur nous et je me baissai.
    Ainsi nous passâmes la brèche et ce fut comme
si nous plongions dans l’abîme qui sépare les mondes : un fracas
assourdissant, celui de l’eau qui affronte la pierre et se déchire. Un
grondement qui remplissait le ciel, plus puissant que le tonnerre de Thor. Des
embruns aspergèrent le pont, nous piquâmes du nez et j’entendis un craquement
comme les portes du château d’Odin qui se referment. Je fus projeté sous une
trombe d’eau. Je crus que nous avions heurté la pierre et j’attendis la noyade
en me cramponnant à Souffle-de-Serpent pour mourir l’épée à la main, mais le navire
se redressa et continua sa route. Nous avions survécu.
    — Nagez, intima Ralla. Vous avez eu de la
chance ! Ramez !
    La cale était remplie d’eau, mais nous
flottions et dans l’aube qui perçait les nuages déchiquetés, je vis la cité et
la brèche que nous avions franchie.
    — Maintenant, dit Ralla, tout dépend de
toi, seigneur !
    — Tout dépend des dieux, répondis-je.
    Le navire d’Osric avait lui aussi réussi à
passer la brèche. Le courant nous emportait au-delà du point où je voulais
accoster, mais les rameurs luttèrent et tournèrent le navire. Nous parvînmes au
quai par l’est, ce qui était une bonne chose, car quiconque nous verrait
penserait que nous venions de l’aval depuis Beamfleot. On penserait que nous
étions des Danes venus renforcer la garnison qui s’apprêtait déjà à l’assaut d’Æthelred.
    Au quai était amarré un gros navire de mer. Je
le vis clairement, car des torches flambaient sur le mur blanc de la demeure. C’était
un beau vaisseau, à la proue fière, sans tête de monstre, car aucun Norse ne
les arbore quand il entre en terre amie, afin de ne pas contrarier les esprits.
Un seul homme était à bord.
    — Qui va là ? fit-il en nous voyant.
    — Ragnar Ragnarson ! criai-je en lui
lançant une ligne de peau de morse tressée. Le combat a-t-il commencé ?
    — Pas encore, seigneur, dit-il en
attrapant la ligne et en l’attachant à la proue de son navire. Et quand il
commencera, ils seront tous massacrés.
    — Nous sommes en temps, alors ? À
qui appartient ce navire ?
    — À Sigefrid, seigneur. C’est le Maître-des-Vagues.
    —  Il est
splendide. À terre ! criai-je en anglois.
    Mes hommes sortirent leurs armes et boucliers.
Le navire d’Osric arrivait derrière nous, lentement ; il avait pris l’eau.
Des hommes commencèrent à monter sur le Maître-des-Vagues, et le Norse
qui avait pris ma ligne aperçut les croix à leur cou.
    — Tu…, commença-t-il, stupéfait.
    Il voulut sauter à terre mais je lui barrai la
route.
    — Pose la main sur ton épée, dis-je en
dégainant Souffle-de-Serpent.
    — Seigneur…
    Il comprit qu’il était inutile de supplier, car
je ne le laisserais pas quitter le navire en vie. Sans quoi il aurait averti
Sigefrid de notre arrivée. Si je l’avais ligoté et laissé à bord, quelqu’un
aurait pu le trouver et le libérer. Il savait tout cela et, par défi, au lieu
de se contenter de poser la main sur son épée, il commença à la dégainer. Alors
il mourut.
    Souffle-de-Serpent le frappa à la gorge dans
un éclair. Je sentis la lame percer la chair, vis le sang gicler, son bras
mollir, et son épée glisser de nouveau dans son fourreau. Je tendis la main
pour maintenir la sienne sur son pommeau, afin qu’il la tienne bien en mourant,
car ainsi il rejoindrait le banquet des braves.
    — Rejoins Odin, lui murmurai-je alors qu’il
s’effondrait contre moi. Et garde-moi une place. Mon nom est Uhtred. Et un jour,
je festoierai avec toi au banquet des morts, nous rirons et nous boirons
ensemble et nous serons amis.
    Je laissai le corps s’affaisser, puis je me
baissai et coupai son amulette. Je la rangeai dans ma bourse, essuyai ma lame
sur sa cape et la rengainai. Puis je pris mon bouclier des mains de Sihtric, mon
serviteur.
    — Débarquons à terre, et prenons la ville,
dis-je.
    Car le moment était venu de

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