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Le Chant de l'épée

Le Chant de l'épée

Titel: Le Chant de l'épée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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pierre.
    — Alors, prie.
    Je touchai mon amulette, puis la garde de
Souffle-de-Serpent pendant que le navire prenait de la vitesse dans le courant.
Les rives étaient loin de nous. Çà et là apparaissaient des lumières de maisons,
tandis que devant nous, sous le ciel sans lune, brillait la lueur voilée de
fumée de Lundene. Æthelred devait être en train de mener ses hommes par la
vallée de la Fleot jusqu’à l’ancien mur romain. Sigefrid, Erik et Haesten
devaient savoir qu’il était là-bas, car quelqu’un de la ville nouvelle avait dû
accourir dans l’ancienne. Danes, Norses et Frisons, et même Saxons sans maître,
devaient se mettre en branle et courir aux remparts.
    Pendant que nous glissions sur le fleuve.
    Nous ne parlions guère. Nous savions tous le
danger qui nous attendait. Je me frayai un chemin entre les silhouettes
accroupies. Le père Pyrlig dut m’entendre, car il me héla :
    — Ici, seigneur.
    Il était assis au bout d’un banc de nage et je
le rejoignis en pataugeant dans la cale inondée.
    — As-tu prié ? lui demandai-je.
    — Je n’ai point cessé, répondit-il
gravement. Parfois, je songe que Dieu doit être las de m’entendre. Et le frère
Osferth prie aussi.
    — Je ne suis pas un frère, maugréa
Osferth.
    — Mais tes prières auront peut-être plus
de succès si Dieu le pense, dit Pyrlig.
    Le bâtard d’Alfred était accroupi auprès de
lui. Finan l’avait équipé d’une cotte de mailles prise sur un Dane éventré et
que l’on avait réparée. Il avait aussi un casque, des bottes et des gants, un bouclier
rond et deux épées, si bien qu’il ressemblait enfin à un guerrier.
    — Je suis censé te renvoyer à
Wintanceaster, lui dis-je.
    — Je sais.
    — Seigneur, corrigea Pyrlig.
    — Seigneur, répéta Osferth à contrecœur.
    — Je ne veux pas renvoyer au roi ton
cadavre, déclarai-je. Aussi tu resteras auprès du père Pyrlig.
    — Tout près, mon garçon. Comme si tu
étais mon amant, fit Pyrlig.
    — Reste derrière lui, ordonnai-je à
Osferth.
    — Oublions l’idée de l’amant, alors, se
hâta de dire Pyrlig. Nous dirons que tu es mon chien.
    — Et dis tes prières, achevai-je.
    Je n’avais d’autre conseil utile à lui
indiquer, hormis ôter sa tenue, nager jusqu’à la rive et retourner à son
monastère. J’avais autant foi en ses capacités que Finan : aucune. Osferth
était aigri, incapable et maladroit. Si ce n’avait été pour son défunt oncle, je
l’aurais volontiers renvoyé à Wintanceaster ; mais puisque Leofric m’avait
pris sous son aile et avait fait de moi un guerrier, j’acceptais de supporter
Osferth en reconnaissance.
    Nous approchions de la nouvelle ville ; je
sentais le feu des forges et j’en voyais la lueur trembloter dans les ruelles. Je
cherchai du regard le pont enjambant le fleuve, mais on n’y voyait goutte.
    — Il faut que je voie la brèche, cria
Ralla depuis la barre. Sinon, je ne pourrai rien tenter.
    — Sommes-nous proches ?
    — Trop, fit-il d’un ton angoissé.
    Depuis sa plate-forme, je pouvais distinguer
la vieille ville, désormais, la lueur des feux de la citadelle sur les collines,
enceinte de son mur romain. Ralla avait raison. Nous étions tout près.
    — Nous devons prendre une décision, dit-il.
Il faudra accoster en amont du pont.
    — Ils nous verront, objectai-je, car les
Danes avaient sûrement posté des hommes sur le mur de la rivière en amont du
pont.
    — Alors, soit tu mourras l’épée à la main,
soit tu te noieras.
    — Je choisis l’épée, répondis-je en
voyant s’envoler mon projet désespéré.
    Ralla allait crier un ordre aux rameurs, mais
il se tut, car soudain, loin devant, là où la Temse s’élargissait pour se jeter
dans la mer, un lambeau de lumière jaune parut : un jaune très pâle, lépreux,
qui filtra par une déchirure des nuages. Sur la mer se levait une aube maussade,
mais c’était de la lumière, et Ralla ne cria ni ne tourna sa barre pour nous
mener à la rive. Il toucha l’amulette à son cou et garda le cap droit devant.
    — Baisse-toi, seigneur, dit-il, et
cramponne-toi.
    Le navire frémissait comme un cheval avant la
bataille.
    Nous étions impuissants, pris par le courant. L’eau
qui coulait depuis l’intérieur des terres, grossie par les pluies, écumait et
tourbillonnait en grondant quand elle atteignait le pont, mais au centre, à la
brèche, elle se déversait en un seul pan liquide de la hauteur d’un homme

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