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Le Chant de l'épée

Le Chant de l'épée

Titel: Le Chant de l'épée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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devant la porte. C’était là que je comptais faire
deux murs de boucliers, l’un face à la ville et l’autre face à la Fleot. Là
aurait lieu l’affrontement, et là, me dis-je, nous allions mourir, car je ne
voyais toujours pas l’armée d’Æthelred.
    Jefus tenté de fuir. Il aurait été
assez simple de battre en retraite par où nous étions venus, en écartant l’ennemi
dans les rues. Nous aurions pu prendre le navire de Sigefrid, le Maître-des-Vagues, pour traverser jusqu’à la rive saxonne. Mais j’étais
Uhtred de Bebbanburg, débordant de l’orgueil du guerrier, et j’avais juré de
prendre Lundene. Nous restâmes donc.
    Cinquante hommes descendirent se poster devant
la porte. Vingt face à la ville et les autres face à Sigefrid. Sous l’arche, il
y avait tout juste assez de place pour huit hommes de front, bouclier contre bouclier,
et nous dressâmes notre double mur. Steapa commanda les vingt, tandis que je
prenais place au premier rang des autres.
    Je sortis du mur pour avancer de quelques pas
vers la vallée de la Fleot. La petite rivière, souillée par les tanneries en
amont, se jetait, visqueuse, dans la Temse. De l’autre côté, Sigefrid, Haesten
et Erik avaient enfin fait demi-tour.
    Je ne bougeai point. Le soleil voilé de nuages
était derrière moi, mais sa pâle lumière se reflétait sur l’argent de mon
casque et sur la lame de Souffle-de-Serpent que j’avais tirée. J’étais là, épée
d’une main et bouclier de l’autre, au-dessus d’eux, seigneur dans toute sa
gloire, guerrier en maille appelant l’ennemi au combat. Et je ne vis aucune
troupe alliée paraître sur la colline.
    Si Æthelred était parti, nous allions mourir.
    Je resserrai le poing sur mon épée, regardai
les hommes de Sigefrid, puis frappai de ma lame mon bouclier par trois fois, avant
de tourner les talons pour reprendre ma place dans le mur.
    Et avec le rugissement de fureur de ceux qui
entrevoient la victoire, les hommes de Sigefrid se précipitèrent pour nous tuer.
    Un poète aurait dû
écrire le récit de ce combat.
    C’est à cela qu’ils servent.
    Ma présente épouse, qui est une sotte, paie
des poètes pour chanter le Christ, qui est son dieu, mais ses poètes
bafouillent et se taisent quand j’entre en boitillant dans la grande salle. Ils
connaissent des dizaines de chants sur leurs saints, et chantent
mélancoliquement le jour où leur dieu fut cloué à la croix ; mais quand je
suis là, ils chantent de vrais poèmes, ceux dont l’astucieux prêtre m’avait dit
qu’on y remplaçait des noms anciens par le mien.
    Ce sont des chants de guerre et de massacres. De
vrais poèmes.
    Les guerriers défendent foyer, enfants, femmes
et moissons, et tuent les ennemis venus les prendre. Sans eux, la terre ne
serait que désolation et lamentations. Pourtant, la véritable récompense du
guerrier n’est pas l’or et l’argent qu’il porte à son bras, mais sa réputation,
et c’est pour cela qu’existent les poètes. Ils chantent les hommes qui ont
défendu la terre et tué ses ennemis. Pourtant, il n’y a nul poème sur le combat
de la porte de Ludd de Lundene.
    Il y en a un que l’on chante en Mercie et qui
raconte comment le seigneur Æthelred s’empara de Lundene. C’est un beau poème, mais
il ne parle pas de moi, de Steapa, de Pyrlig, ni de tous ceux qui combattirent
vraiment en ce jour. En l’écoutant, on croirait que ceux que le poète appelle « païens »
s’enfuirent lorsque Æthelred parut.
    Mais ce n’est pas ainsi que les choses se
passèrent.
    Les Norses se précipitèrent, mais au combat
Sigefrid n’était pas un sot. Il voyait que nous barrions la porte et qu’il
pourrait briser mon mur de boucliers si vite que nous mourrions tous sous cette
vieille arche romaine.
    J’étais revenu parmi mes soldats. Je venais de
caler mon bouclier contre celui de mes compagnons et j’étais prêt à combattre
quand je vis quelle était l’intention de Sigefrid.
    Ses hommes ne s’étaient pas contentés de
contempler la porte de Ludd : ils en avait placé huit en avant-garde. Quatre
d’entre eux portaient de longues et lourdes lances qui se tiennent à deux mains.
Ils n’avaient pas de bouclier, mais à côté de chaque lancier se trouvait un
solide gaillard armé d’un bouclier et d’une hache. Et derrière suivaient encore
d’autres, armés de même manière. Je compris : les quatre hommes allaient
courir sur nous et chacun frapper l’un de nos boucliers.

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