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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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vaquait sans cesse de droite, de gauche, s'occupant la tête et les mains. À moins qu'elle n'en profite pour prendre du bon temps avec Mathieu. Après tout, ce serait légitime. Ils étaient fiancés. La date du mariage était même fixée à la veille de leur départ. Philippine aimait bien Mathieu. Il la faisait rire. Beaucoup moins lorsqu'il bisait sa promise. Et c'était là un nouveau dilemme. Pourquoi détestait-elle autant l'idée que ces deux-là se marient ? Pourquoi s'agaçait-elle lorsqu'on lui apprenait les progrès du jouvenceau ? Pourquoi brûlait-elle d'envie de lui interdire de les suivre ? De l'obliger à regagner son fournil ? De lui abandonner Algonde ? Pourquoi éprouvait-elle ce sentiment féroce de trahison dès qu'Algonde jurait qu'elle aimait le jouvenceau plus que tout ?
    Au troisième jour d'une promenade solitaire, elle avait dû se rendre à l'évidence. L'idée qu'Enguerrand culbute une servante dans quelque auberge l'indisposait bien moins que d'imaginer Algonde occupée à encourager son promis, juchée sur une des bottes de paille du clos où il s'entraînait.
    Elle tenait là la réponse à sa question. Une fois de plus, elle avait été abusée par ses sentiments. Elle aimait l'amour. La notion d'amour. Pas Enguerrand.
    De plus, elle était possessive. Terriblement. Elle n'empêcherait pas Algonde d'être heureuse, mais elle la voulait. Pour elle. Avec elle. Jusqu'à ce qu'à la Bâtie une autre, plus légitime de par sa condition, la remplace. Cela arriverait. Forcément. On les visiterait bien plus qu'ici puisque c'était la résidence principale de son père. Elle aurait ses propres courtisans. Dès lors, Algonde recouvrerait sa liberté.
    Forte de cette évidence, et refusant de se sentir coupable, elle s'était précipitée pour vérifier que la jouvencelle était à ses corvées. Et, pour mieux l'empêcher de jouir de son galant, elle lui en avait ajouté d'autres jusqu'à la nuit tombée.
    Au lendemain matin, sa décision était prise. Puisqu'elle aimait tant chevaucher, Algonde l'accompagnerait. Sitôt que sa chambrière avait achevé de lui tresser les cheveux, Philippine l'avait apostrophée.
    — J'en ai assez que tu lustres, frottes, balaies ! Je n'ai pas besoin d'une souillon, mais d'une amie. Viens, avait-elle ajouté en l'entraînant dans les escaliers.
    Habituée à présent au tempérament impulsif de sa maîtresse, Algonde n'avait pas même discuté jusqu'à ce qu'elle se retrouve nez à nez avec le cheval qu'on lui proposait.
    — Je suis navrée, Hélène, mais je ne suis jamais montée, avait-elle avoué.
    — Qu'à cela ne tienne, je vais t'apprendre ! s'était exclamée Philippine en refoulant sa brève déception.
    Si la jouvencelle pensait pouvoir lui échapper, elle se trompait. N'avait-elle pas droit de vie et de mort sur elle ? Philippine découvrait avec une excitation mêlée de surprise que sa véritable nature s'était révélée dans le verger de l'abbaye. Elle aimait exercer son pouvoir. De séduction, de noblesse. Même si elle en avait tiré la leçon et ne voulait plus en abuser, elle savait à présent que l'abbesse lui avait menti en affirmant qu'on pouvait en être damné. Il n'était pas condamnable de faire preuve d'autorité et de détermination. Algonde n'avait eu d'autre choix que de s'incliner.
    La journée durant, Algonde s'était prêtée aux exercices équestres sous l'œil goguenard de son promis et de Philippine, exaspérée par leur évidente complicité, mais résignée à en passer par là pour satisfaire son propre caprice.
    Au soir venu, Algonde avait acquis suffisamment de maîtrise pour que Philippine puisse envisager, dès le lendemain, de la faire trotter à ses côtés.
     
    C'est ainsi que, vaillamment malgré ses reins moulus, Algonde franchit le pont-levis en cet après-midi du 12 septembre 1483, bien heureuse finalement de sortir de l'enceinte du château pour se changer les idées. La veille, elle s'était désespérée secrètement de voir Mathieu s'acharner sur une quintaine avec tant de violence que le braquemart en avait crevé l'enveloppe. Mathieu s'était couvert de paille.
    Plus il s'aguerrissait et moins elle s'y faisait.
    Dans dix jours pourtant, elle serait son épouse. Alors qu'elle enfilait le chemin en direction de Grenoble au pas du roncin, précédée de Philippine et talonnée par trois soldats, dans ses appartements, la couturière travaillait à sa robe de noce. Philippine avait tenu à

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