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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Plus personne ne pouvait descendre en ville. Sans leurs cimeterres, ils ne pouvaient plus s'entraîner au combat. La lutte même leur avait été interdite.
    — Par mesure de sécurité. Mes hommes sont comme les vôtres, Djem, ils ont le sang vif et regrettent la perte des leurs, s'était justifié le grand prieur.
    — Vous aviez promis.
    — A Rochechinard, les risques seront moindres pour nous. Vous et vos compagnons aurez ce que vous souhaitez. Dans la mesure bien sûr de ce que je suis autorisé à vous concéder.
    — C'est-à-dire?
    — Vous le savez bien, Djem. Tout, sauf la véritable liberté.
    Djem avait dès lors tenté d'apaiser ses compagnons.
    — Où que l'on aille, le duc de Savoie ne nous oubliera pas, avait grommelé Houchang l'impétueux, Houchang le belliqueux.
    — J'ai prêté serment.
    — Nous pas, avait souligné Anwar, un sourire mauvais aux lèvres.
    — Prisonnier je suis, prisonnier je resterai. Je ne peux vous l'imposer. Libre à vous de partir si vous le voulez, avait soupiré Djem devant leur colère.
    Leurs regards avaient convergé vers lui, attristés.
    — Quels amis serions-nous pour te quitter ?
    — C'est vrai. Tu as signé un traité. Ils ont promis noir sur blanc, la signature du grand maître de l'Ordre en bas à côté de celle de vos témoins respectifs. Je le sais. J'en étais. Ils ont juré sur la Bible de t'aider à récupérer le trône, de te conduire en Hongrie. Tu as prêté serment, dis-tu ? Qu'ils respectent le leur ! s'était emporté Nassouh.
    — La parole d'un Turc vaut mieux que celle de cent Francs… N'est-ce pas ce que tu m'as dit, mon frère ?
    Anwar, son frère de lait, avait secoué la tête, sa belle tête enrubannée non du turban, mais d'une bande que du sang maculait sur le côté.
    — Je le maintiens et te donne la mienne, Djem. Si le duc tend une embuscade, je te contraindrai à le suivre, ainsi ton honneur sera sauf et le mien, vengé.
    Les autres avaient approuvé et Djem avait fini par l'accepter. Ses compagnons ne se rendraient jamais. Peut-être restait-il encore un espoir, quelque part dans le regard d'Allah. Chaque nuit en entendant la pluie battre violemment contre sa vitre, il songeait à ce poignard sous son oreiller. La lame, courbe comme un croissant de lune, était désormais la seule arme qu'il possédait. Une autre chantait en son cœur que les poètes de Katmouni lui avaient offerte. Celle-là, personne ne la lui prendrait jamais. Elle avait pour nom l'amitié.
     
    Avant de partir pour Aigues-Mortes, Enguerrand avait fait une halte à la Rochette. Quelques minutes, une heure, puis une nuit. Au deuxième jour passé sous son propre toit, il était encore à se demander s'il avait fait le bon choix. La beauté de Philippine l'avait touché. Elle avait l'âge de se marier et, d'après ce qu'il avait pu en juger, les prétendants ne manquaient pas. Pendant les festivités, il en avait croisé deux qui venaient de déposer un billet sous sa porte. Malgré cela, elle était restée à ses côtés, avait goûté sa compagnie, négligé les faveurs des autres. Mais il n'était pas dupe et pas assez stupide surtout pour ne pas savoir que l'éloignement aurait raison de l'intérêt qu'elle lui portait. Sans la gloire et la fortune, il ne se trouvait pas digne d'elle et ne ferait pas l'affront au baron, déjà si généreux à son endroit, de lui demander sa main. Il fallait donc qu'il la perde pour avoir le droit, peut-être, de l'aimer. Triste choix. Noble, à n'en pas douter. Digne en tout cas du chevalier qu'il était à présent. Mais combien il lui était pénible ! Assez pour douter. Assez pour rester ?
    Lorsque le premier orage avait crevé, Enguerrand était si tourmenté que cette pluie diluvienne l'avait soulagé de toutes les larmes qu'il était incapable de verser. Il avait erré de pièce en pièce, s'appropriant les lieux trop vides.
    Ne pouvait-il accepter ce fief, ce manoir, y régner en maître, donner des ordres, se comporter comme un seigneur ? Singer la manière des autres ? Sa mère y avait mis tant de cœur. Tant de cœur, oui, pour le réhabiliter. Rester, se contenter de ce que lui rapporteraient le fermage et la location de cet hôtel particulier à Grenoble, qu'elle lui avait offert le jour de ses quinze ans. Les mettre dans la corbeille d'épousailles de Philippine, avaler sans scrupule les domaines que cette dernière lui porterait en dot, entendre le rire des enfants, les siens, les

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