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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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stupide. Je me demande bien qui a pu vous la mettre en tête !
    — Mélusine…
    Le cœur d'Algonde manqua un battement. Elle refusa pourtant de rien laisser paraître de son trouble et haussa les épaules.
    — Je reconnais que cela peut paraître impossible…
    — C'est bien le mot en effet, se moqua Algonde.
    — Cesse de prendre ces airs de reine outragée, c'est moi la fille du baron, pas toi, s'emporta Philippine, vexée.
    — Inutile de me le rappeler… Mais ça ne change rien. Mélusine est une légende. Elle ne suffira pas pour me faire changer d'avis.
    — Même si je te dis qu'elle m'a donné rendez-vous là-bas ?
    Algonde se mura dans le silence, seule attitude qui lui permettait encore de contrôler ses émotions. Elle n'était qu'angoisse, rancœur et interrogation. Elle savait bien pour en avoir elle-même fait l'expérience que Mélusine pouvait avoir induit cette rencontre à trois par la seule portée d'un songe. Était-ce à cause de cela que Philippine avait soudain décidé de lui apprendre à monter à cheval ? La fée voulait-elle l'obliger à sa mission d'une manière ou d'une autre ?
    — Tu ne veux pas savoir…
    — Non, coupa encore Algonde.
    — Décidément, grommela Philippine, je me demande bien ce que je te trouve !
    « Et moi donc ! » songea Algonde, amère, en serrant les mâchoires. Si Philippine avait le bon goût de se désintéresser d'elle, quel soulagement cela serait ! Tout aurait peut-être une chance de redevenir comme avant. Mais inutile de se leurrer. Ce temps-là était révolu et bien révolu ! Mathieu ne rêvait plus que d'aventures et en avait même oublié le risque de l'engrosser avant leurs épousailles, comme la première fois à la rivière. Il se rengorgeait de son torse épaissi, de son agilité renforcée, de sa précision à l'arbalète, fier du plaisir qu'il lui donnait et de celui qu'il prenait en elle, sans le moindre état d'âme. Ce n'était plus d'une femme qu'il manquait, mais d'une lame. À lui seul. Le bougre jubilait. Dame ! Il aurait l'une et l'autre le même jour. L'une dans un fourreau de coton, l'autre de cuir. L'une à la peau blanche veinée de Furon, l'autre d'un acier aux reflets d'argent qu'on était en train de forger au château. Cadeau d'épousailles du forgeron ! Quel présent en vérité ! Quelle généreuse idée ! Il allait continuer à parader tandis qu'elle se morfondrait au service de cette damoiselle, un jour adulée, l'autre rejetée. Et tout ça au nom de quoi ? D'une fée si pitoyable qu'elle avait été incapable de régler elle-même ses problèmes !
    Anticipant le passage qu'elle avait l'habitude d'emprunter et qui descendait en pente douce au milieu des fougères, Algonde quitta le chemin pour s'enfoncer dans le bois en contrebas, par un raidillon rocailleux. Le grondement du torrent lui parvenait, il rugissait en elle de la même manière.
    — Est-ce loin encore ? demanda Philippine.
    — Vous ne voulez pas renoncer ?
    — Certainement pas ! Je suis plus excitée que je ne l'ai jamais été.
    Algonde mit pied à terre sur le dernier terre-plein. Le sous-bois devant elle s'ouvrait sur un parterre de mûriers. Ah, Hélène voulait rencontrer Mélusine ! Ah, on voulait la contraindre à son destin !
    — Les Cuves sont derrière la ligne des arbres, tout en bas.
    Philippine apostropha les gardes et leur ordonna de les attendre avec les bêtes. Bien plus rageuse que courageuse, Algonde entreprit de descendre, le galon de la jupe battu par les ronciers.
    — Il n'y a pas d'autre chemin ? se plaignit Philippine en zigzaguant à travers, les mollets déjà écorchés.
    — Je vous l'ai dit, damoiselle Hélène. Et encore, c'est la partie la plus facile. On peut remonter si vous voulez…
    — Non. Si tu l'as fait, je le peux aussi.
    Indifférente à ses propres griffures, Algonde accéléra l'allure. Dans la trouée des troncs grisés de lichen, le Furon semblait la narguer. Tant pis pour Philippine si elle glissait sur ses berges et se faisait emporter. Elle ne plongerait pas pour la sauver ! Que Mélusine s'en charge elle-même ! Après tout, c'était son idée. Elle se mit à ricaner en sourdine de sa méchanceté contre nature. Voilà à quoi on la réduisait. À devenir aussi mauvaise que la Harpie. Finalement, toutes deux étaient semblables, elles n'étaient que les jouets de ces créatures prétendument bénéfiques. Pas étonnant que Marthe soit aigrie et vengeresse.

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