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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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majestueuse avec ses pics aux neiges éternelles, se découpait dans un azur sans tache.
    Le temps semblait suspendu jusqu'en la rue principale du village où, devant une des maisons basses en pierre, assis sur un banc et adossés au mur, la nuque renversée, la bouche ouverte et édentée, deux vieillards somnolaient côte à côte. Dans une encoignure, des chenapans les guettaient en complotant autour d'une farce. À leurs pieds nus, gâtés et sales, des poules picoraient quelque nourriture invisible, indifférentes à leur manège.
    Elles se dispersèrent pourtant en caquetant au moment où les drôles sursautèrent, surpris du bruit d'un galop qui s'approchait. Abandonnant aussitôt leur veille auprès des ancêtres, ils coururent en bande de six jusqu'au pont, avant de se disperser au passage d'un coursier qui le traversa en criant gare. Les deux vieillards réveillés tout à fait eurent à peine le temps de ramener leurs pieds sous le banc, que le cavalier passait devant eux à vive allure, traversait les maisons du bourg, longeait l'église et s'en allait en direction du castel, enveloppant d'un nuage de poussière grise les habitants aussi surpris qu'inquiétés.
     
    Dans la salle de réception du château, appliquée, Algonde astiquait l'argenterie lorsque, alertée à son tour par le galop, elle vit, au travers de la fenêtre ouverte, le cavalier immobiliser son cheval écumant des naseaux et sauter à terre. Sa curiosité éveillée, la jouvencelle abandonna sa corvée pour se pencher à la croisée.
    — J'ai un bref urgent à remettre au baron Jacques de Sassenage, l'entendit-elle expliquer à un soldat, deux étages en dessous d'elle, avant qu'il s'engouffre dans le château.
    Espérant de toutes ses forces que cette nouvelle amorcerait le départ de dame Sidonie et de sa détestable chambrière, elle s'amusa de voir Mathieu accourir l'air de rien pour s'enquérir du visiteur auprès du portier. Ne résistant pas à l'envie de le chahuter, elle attendit qu'il fût placé à sa portée, attrapa un pichet où traînait un fond d'eau et le déversa d'un coup.
    — Bougre de bougre de bougre, tempêta Mathieu en sursautant, les cheveux et les épaules trempés d'un coup.
    Le rire du garde fusa, qui accentua sa colère. Le jouvenceau leva les yeux en même temps que le poing, et se heurta au visage facétieux d'Algonde, qui avait croisé les bras sur le rebord, après avoir prestement reposé le broc.
    — Bigre, quelle averse soudaine ! Mon pauvre Mathieu, te voilà tout embistrouillé, ma parole. À croire que le ciel te trouvait trop échauffé, se moqua-t-elle.
    — Ris donc, ris donc, tu ne perds rien pour attendre ! fustigea-t-il la jeune fille, plus vexé qu'on se moquât de lui alentour que véritablement fâché contre elle.
    Pour tout argument, elle lui tira la langue et referma la croisée. Sa farce accomplie, elle avait mieux à faire.
    Ramassant les hanaps qu'elle avait achevé de nettoyer, elle s'empressa de les boucler dans un coffre, puis gagna l'étage supérieur par l'escalier à vis. Par la porte qu'on avait négligé de refermer et qui béait sur le palier, elle avisa le cavalier qui remettait le bref au baron Jacques. Jugeant qu'elle se trouvait encore trop loin pour bien entendre, perturbée par les bruits du dessous, elle s'avança hardiment pour se glisser derrière le battant. À quatre pattes dans un angle, elle sortit son chiffon de sa manche pour se donner une contenance et tendit l'oreille.
     
    — C'est votre intendant qui m'envoie. Il a jugé que cela pouvait être urgent, ajoutait l'homme tandis que le baron faisait sauter le cachet de cire et dépliait le parchemin.
    — Qu'est-ce donc ? demanda Sidonie en levant les yeux de sa broderie pour les tourner vers Jacques.
    Il ne répondit pas, tout absorbé par sa lecture, mais, à sa mine, elle jugea que l'affaire était grave. Sans attendre, elle rangea son ouvrage dans le panier où reposait le reste de son nécessaire, quitta son fauteuil placé à côté de celui de Marthe, qui cousait de même sous une des fenêtres, et s'avança vers le coursier.
    — Allez donc vous sustenter en cuisine, mon brave.
    Un franc sourire se dessina sur le visage de l'homme. Il remercia Sidonie, s'acquitta d'une courbette et tourna les talons.
     
    Algonde baissa un peu plus la tête et s'activa à frotter rudement, le cœur battant la chamade, tandis que l'homme descendait l'escalier. La prudence eût voulu qu'elle lui emboîte le

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