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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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ragaillardie. J'y ai déjà goûté.
    — C'est vrai.
    — C'était juste après la mort de maman, à notre arrivée ici. Cet endroit aux murs si hauts, si épais, semblables à ceux d'une prison. L'odeur de l'encens, partout. Je me souviens d'un malaise sur son gisant. C'était la première fois que je vous rencontrais, ma sœur. Vous aviez dit que le temps viendrait à bout de ma peine.
    — Et je te le répète, assura l'infirmière. Il vient à bout de tout. Mais tu m'as causé bien du tourment, sais-tu ?
    — Je n'en suis pas fière, avoua Philippine sans détourner son regard.
    — Je ne parlais pas d'eux, mais de toi, de cet état dans lequel tu t'es mise. Avais-tu besoin de te laisser dépérir de la sorte pour ces deux-là ? la gronda-t-elle.
    Philippine écarquilla les yeux. Elle ne s'attendait pas à ce discours. Sœur Albrante agita ses mains comme des battoirs.
    — N'en tire pas pour conclusion que j'excuse ton attitude à leur égard, damoiselle, point non, mais tout de même, mourir pour si peu, à ton âge, tss, tss, tss…
    — Si peu, bégaya Philippine, Laurent de Beaumont est si blanc…
    — Non, Laurent de Beaumont va mieux. Je ne peux en dire autant de Philibert de Montoison, qui me fait souci, mais ces deux-là se seraient battus pour toi ou pour une autre. Il est dans le tempérament des hommes de ce temps de se tâter de l'épée à la moindre occasion pour prouver leur valeur. Ils me font penser à des cerfs devant une biche, tiens…
    — Vous êtes bien bonne, ma sœur, de vouloir adoucir mon fardeau, mais je le sais bien que tout est de ma faute, murmura Philippine.
    — Rien n'est jamais seulement blanc ou noir. Tu apprendras la mesure, tu verras. Pour l'heure, il convient que tu te débarrasses de ce sentiment de culpabilité, bien inutile à présent, et m'assiste dans ma tâche. T'en sens-tu capable ?
    — Je m'y emploierai.
    — J'y veillerai. Bien sûr, tu ne verras personne d'autre que moi et nos querelleurs.
    — Bien sûr.
    — À la bonne heure.
    Sœur Albrante reprit la cuillère et retourna y verser deux gouttes supplémentaires avant de boucler le flacon dans l'armoire.
    — Allons, dit-elle en revenant vers la jouvencelle, plus, ce serait de la gourmandise.
    — Je m'en voudrais, ma sœur, assura Philippine en prenant l'élixir sur le bout de la langue, le nez pincé.
    — En voilà des manières quand on voudrait à coup sûr m'en arracher le secret !
    — Avec moi, il sera bien gardé !
    — Tant mieux, mon Hélène, car avant que ton père ne s'en vienne te chercher, j'ai l'intention de t'en confier quelques-uns.
    Philippine la fixa d'un œil soupçonneux, puis, devinant qu'elle ne plaisantait pas, se leva pour la biser sur la joue avec tendresse. Depuis qu'elle était arrivée à l'abbaye, c'était ici, auprès d'elle, qu'elle s'était toujours sentie le mieux.
    — Allons, à présent il me faut te donner en détail les consignes de soins pour ces damoiseaux sans cervelle.
    — Une chose encore, demanda Philippine en lui emboîtant le pas, parfaitement remise à présent. Pourquoi m'appelez-vous Hélène ?
    Sœur Albrante eut un sourire triste. La vérité était une épine en son cœur. Elle avait juré. A la sorcière. A Jeanne de Commiers. Rendre à Philippine sa véritable identité le jour où elle serait en âge de convoler. Sans révéler les raisons qui en avaient décidé. Elle se drapa dans un mensonge de circonstance.
    — « Prenez soin de mon Hélène, m'avait demandé ta mère, sa beauté surpassera celle des autres et le nom de Philippine sera bien fade alors à son teint. » Le moment est venu de se conformer à ce testament, ma toute-petite, car je le prédis et il faudra t'y préparer : ils seront nombreux sur ton chemin à vouloir te posséder.
     

6
    Au pied des falaises du Vercors, le village de Sassenage s'alanguissait sous la chaleur orageuse. Août s'y étirait comme un chat paresseux. Des enfants s'aspergeaient, torse nu et les pieds enfoncés dans le limon des berges du Furon. Le torrent roulait vers l'Isère en contrebas et le pont l'enjambait de ses rondins de bois. Sur la rive opposée aux ébats joyeux des jouvenceaux, des pierres plates servaient de lavoir naturel. On y battait des draps tour à tour ramenés de l'onde vive et frottés de cendre, le rire aux lèvres, et le regard sur les marmots qui laissaient le courant emporter leurs embarcations d'écorce. Au loin, vers Grenoble, la chaîne des Alpes,

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