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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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que ce serait folie ?
    — J'en conclurais que c'est un avertissement dont il ne faut pas se moquer.
    Ils s'affrontèrent du regard.
    — Qui a la clef du dernier étage ? s'enquit le baron.
    Gersende détacha le gros trousseau qui pendait par une chaîne à sa ceinture et en dégagea une clef ouvragée qu'elle posa sur la table. Ensuite de quoi elle se leva. Froide. Résignée.
    — Ce sera comme vous l'entendrez.
    Le baron soupira et repoussa la clef vers elle.
    — Gardez-la. J'irai trouver maître Dreux à la Rochette pour lui demander conseil. Philippine doit avoir ses aises. Si ce n'est possible en l'état, alors nous briserons les scellés. Le temps a passé sur cette affaire, de sorte que nul ne sait véritablement ce qui est conte ou vérité.
    — Vous ne croyez pas à l'existence de Mélusine, messire ? s'étonna Gersende.
    — Je crois davantage au royaume de Dieu qu'à celui des fées…
    L'intendante le couvrit d'un regard empreint d'une compassion sincère qu'il eut du mal à s'expliquer.
    — Ma fille se mettra à votre service dès qu'elle sera rentrée d'une course dont je l'ai chargée. Me permettez-vous de me retirer ?
    — Faites, Gersende.
    L'intendante se fendit d'une courbette et sortit, laissant le baron Jacques seul avec ses certitudes qu'elle était loin de partager.
    Lorsqu'elle fut partie, il s'avisa qu'elle avait oublié la clef sur la table. Il ne savait pas comment l'idée lui était venue d'installer Philippine dans les anciens appartements de son aïeul. Quelques jours plus tôt, troublé par la pierre que Sidonie lui avait montrée à leur retour de la Rochette, il s'était tu, perplexe. Refuser de croire ou se moquer encore de Sidonie aurait été l'insulter. Il avait préféré ne pas en reparler. Lui-même ne pouvait réfuter le fait qu'il avait songé à la malédiction lorsque son épouse était morte. Avant de se convaincre qu'il n'y avait là que superstitions et survivance d'une crainte païenne que la religion chrétienne avait pourtant amplement balayée. Mélusine ne pouvait être tenue pour responsable des morts violentes des épouses Sassenage, sous le prétexte qu'elle aurait jalousé leur bonheur ! C'était stupide. Mélusine était de toute évidence une mortelle que son aïeul avait certainement surprise en galante compagnie et qu'il avait dû punir en la noyant dans la rivière, avant d'inventer une belle histoire pour laver sa réputation. De génération en génération, on le savait chez les descendants du comte du Forez, on avait l'honneur tatillon et vindicatif.
    Dès le lendemain, il s'en irait à la Rochette à la rencontre de maître Dreux, et en profiterait pour descendre dans le souterrain. Il verrait bien alors si Mélusine avait quelque chose à lui objecter.
    Fort de cette décision, il rejoignit sa chambre et s'allongea pour se reposer. Sidonie lui manquait déjà et une méchante migraine l'avait gagné.
     

8
    Sa tresse refaite, ses yeux baignés d'eau de mélisse, le visage tamponné de cet onguent que la sorcière de la contrée avait donné à sa mère pour apaiser les rougeurs, nul n'aurait pu imaginer à quels tourments Algonde s'était abandonnée. À peine maître Janisse lui trouva-t-il le regard plus brillant que d'ordinaire, ce qu'il attribua sans réserve à la passion amoureuse. Voir la jouvencelle engloutir les deux pots d'œufs au lait qu'avaient délaissés dame Sidonie et sa chambrière pour ne pas se retarder davantage l'avait rasséréné. Il considérait Algonde comme sa fille depuis la mort de son père et aurait bien marié la mère si Gersende ne s'était entêtée à le repousser. Veuf lui-même depuis trois années, il se serait volontiers laissé aller au penchant d'affection qui le poussait vers les deux femmes depuis longtemps. Gersende et Algonde, qui connaissaient comme tous au castel les sentiments de maître Janisse, y répondaient l'une par l'amitié, l'autre par la tendresse d'une fille en manque d'un père, et il n'était pas rare qu'Algonde lui confiât ses petits secrets. Cette fois pourtant, comme pour la mission dont l'avait chargée Mélusine, elle s'abstint, préférant lui laisser croire qu'elle s'était chamaillée avec Mathieu au point d'avoir eu besoin des conseils éclairés de sa mère pour s'en consoler. Aussi, lorsque la jouvencelle le quitta pour s'en aller retrouver le fils du panetier, ne put-il s'empêcher d'espérer que ces deux-là finissent par se marier.
     
    — Pas trop tôt !

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