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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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secret.
    Algonde baissa les yeux.
    — Une partie seulement, mère, avoua-t-elle.
    Gersende lui releva le menton d'une main affectueuse.
    — Garde le reste, ainsi nous en aurons un chacune que nous échangerons le moment venu.
    Algonde sursauta :
    — Vous, mère ? Vous avez un secret ?
    Un rire léger franchit les lèvres de Gersende.
    — Et pourquoi non, damoiselle ?
    Gersende se leva aussi prestement que le lui permettait sa corpulence et ajouta :
    — Il me faut te laisser, j'ai des ordres à donner. Lorsque tu auras retrouvé ton allant, rends-toi en cuisine. Je crois bien que nous avons désespéré ce brave Janisse, qui sera ravi de voir revenu ton appétit. Et accompagne Mathieu au moulin où il a à faire. Il sera heureux d'apprendre ce que je viens de te conter. Pas un mot sur les malheurs de Philippine pourtant…
    — Je vous le promets, mère, assura la jouvencelle en se levant à son tour pour défroisser sa robe du plat de la main.
    — Il te faudra faire de même avec ton visage, ma bécaroïlle, si tu ne veux pas que le pays tout entier s'étonne de ta mine, se moqua Gersende, soulevant la courtine pour s'en aller.
    La tenture retomba derrière elle et Algonde se précipita sur un miroir pour en juger.
    Le cavalier repartit à bride abattue trois quarts d'heure plus tard, pour précéder dame Sidonie à la Bâtie en Royans et faire préparer leur séjour, aussi court soit-il.
    Le baron embrassa sa maîtresse sur le front après qu'elle se fut installée à côté de Marthe. Autour de la voiture, les chevaux de l'escorte commandée par le sire Dumas battaient des oreilles, agacés par des mouches plates que la chaleur de nouveau orageuse rendait enragées.
    — Hâtez-vous, ma mie, supplia Jacques à l'oreille de Sidonie, je vous aime trop pour ne pas me languir de vous.
    Le baron descendit le marchepied et referma la portière de la litière. À peine l'eut-il bouclée que Sidonie se penchait au volet pour prendre la main qu'il lui tendait.
    Il ne parvenait pas à la laisser. Sitôt qu'elle lui avait proposé d'aller seule à Saint-Just-de-Claix pour faire la lumière sur cette méchante affaire et ramener Philippine, il s'était trouvé rattrapé par le souvenir. N'avait-il pas regardé Jeanne, sa défunte épouse, partir confiante pour l'abbaye d'où elle ne revint jamais ? Sidonie à laquelle il avait confié son tourment l'avait assuré que rien ne lui arriverait. Ils ne pouvaient laisser l'abbesse porter d'aussi graves accusations quant aux mœurs de Philippine sans réagir. Bien qu'il eût conscience que Sidonie n'était sans doute pas la meilleure alliée de la jouvencelle dans cette affaire, le baron n'avait rien trouvé à lui opposer. De fait, il le savait, face à l'abbesse, il serait reparti penaud et la tête basse, tant au procès de sa fille on aurait ajouté le sien. Sidonie avait l'habitude de se défendre et ne manquerait pas d'évaluer à sa juste valeur le degré d'objectivité de la moniale. De ce point de vue, elle avait raison. Elle devait partir et lui, rester. Le baron Jacques n'était pas un couard. Lorsqu'il fallait guerroyer, il était le premier en ligne face à l'ennemi, mais les affaires de cœur étaient sa faiblesse. Lorsqu'il se piquait d'aimer, il était plus fragile qu'un nouveau-né.
    — Gardez le cœur en paix car je vous aime aussi, assura Sidonie en portant sa main à ses lèvres en guise d'au revoir.
    — Assez pour m'épouser ? se décida soudain le baron, en plantant dans les siens des yeux chargés d'espoir autant que de gratitude.
    Ceux de Sidonie s'éclairèrent.
    — De tout cœur et plus encore.
    — Dès votre retour, proposa Jacques, rasséréné par cet augure.
    — Il ne saurait tarder, promit Sidonie.
    Le baron s'écarta et leva en direction du voiturier cette main où subsistait le parfum de sa dame. Le cortège s'ébranla dans un effluve épicé. Ils s'étreignirent du regard jusqu'à ce que la voiture passe les tours portières et que le baron Jacques se retrouve seul sur le pavé.
    — Votre déjeuner refroidit, messire, insista Gersende comme il tardait à regagner le château, le soleil planté sur son crâne dégarni.
    Le baron la rejoignit en haut des marches.
    — Accompagnez-moi, Gersende, je voudrais vous parler.
    Ce ne fut pourtant qu'à la fin de son repas auquel il toucha à peine qu'il tourna un visage soucieux vers l'intendante, plantée près de la porte :
    — J'ai demandé Sidonie en épousailles

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