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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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le piquant du coude.
    L'homme ricana :
    — La petiote a ben grandi ma foi… Y a qu'à voir le Mathieu ! Y s'y trompe pas.
    Il lança ses dés, obligeant ses compagnons à suivre leur roulement. Ils se stabilisèrent sur un deux. Il jura. Le rire des autres fusa.
    — Hâte-toi donc, conseilla le chef d'escorte à la jouvencelle.
    Elle hocha la tête et les laissa à leurs comptes pour passer dans le corps de logis carré renforcé de quatre tours reliées au donjon par une coursive.
    Algonde enfila l'escalier à vis, laissant au sous-sol la réserve et la cave à glace, puis, au premier niveau, la cuisine, domaine de maître Janisse, et au deuxième, face au logement qu'elle occupait avec sa mère dans le donjon, la salle de réception. Le troisième étage était réservé à dame Sidonie et à sa famille. Leurs Seigneuries y avaient leur chambre dotée de latrines sur siège, vidées chaque jour, d'un recoin pour la toilette et d'un autre pour le lit de Marthe. Une vaste pièce richement meublée et décorée y était contiguë.
    C'est devant celle-ci qu'Algonde s'arrêta. Elle toqua à la porte. Comme elle s'y attendait, Marthe s'encadra dans l'entrebâillement.
    Anormalement grande et massive pour une femme, les doigts noueux du bout desquels partaient des ongles longs et griffus, la chambrière de dame Sidonie avait le front large et haut surmonté d'une bosse au-dessus d'arcades sourcilières saillantes et fournies. Les yeux enfoncés profondément dans ses orbites creuses et noires, le nez crochu et étroit, la peau granuleuse et sèche, collée à son visage osseux sur lequel la torche piquée au mur projetait des ombres mouvantes, Marthe semblait sortie tout droit des enfers.
    — Que veux-tu donc ? aboya-t-elle.
    — Vous porter le lait que vous m'avez commandé, répondit Algonde avec autant de dégoût que d'envie de mordre.
    La chambrière sortit de la pièce, referma la porte, avança de quelques pas et, tournant le dos à l'escalier, les isola toutes deux sur le palier.
    — Est-il frais au moins ? grinça-t-elle en lui arrachant le récipient.
    — Je viens de le traire, se contraignit à répondre Algonde.
    « Charogne ! » pensait-elle tandis que la chambrière relevait le couvercle et approchait le liquide de ses narines.
    — Te moques-tu ? Il est tourné, cracha-t-elle en le lui projetant à la face.
    Algonde poussa un cri de surprise et de fureur tandis que le lait lui dégoulinait du visage sur la poitrine.
    — Mauvaise ! Mauvaise ! Tu le savais bien qu'avec l'orage il se perdrait, rugit la jouvencelle devant cette injustice.
    Elle se jeta en avant pour l'empoigner, mais Marthe, plus vive qu'elle ne le pensait, s'écarta de côté, le rire haut perché.
    Algonde vit arriver le vide. Trop tard. Elle dégringola trois marches et s'écrasa douloureusement le bras dans l'angle du mur de la tourelle.
    — Plains-toi donc à ta mère, lui assena la chambrière qui s'était rapprochée. J'ai bien plus de pouvoir sur Sidonie que vous n'en aurez jamais…
    Sur ce, laissant la jouvencelle se frotter l'épaule, le regard brillant des larmes de sa haine, elle lui tourna le dos. Avant de regagner le logis de sa maîtresse, Marthe projeta le pot de lait de la pointe du soulier. Algonde le reçut à ses pieds en même temps que l'ordre de nettoyer.
    Elle entendit la porte se refermer. Dans la lueur de la torche piquée au mur, qu'elle avait évitée par miracle, elle s'avisa qu'un peu de sang perlait à sa manche. Elle s'était écorchée sur une pierre saillante. Sa tresse, ses joues et son linge empestaient le caillé.
    Humiliée, elle demeura quelques minutes à ravaler son amertume. Lorsqu'elle voulut descendre dans ses appartements pour se laver et se changer, elle reconnut le timbre du baron à l'étage inférieur. Il signifiait à Gersende qu'elle pouvait leur faire servir le dîner.
    Refusant qu'il se moque de sa mise et la punisse de sa maladresse, la jouvencelle arracha prestement ses souliers, ramassa le pot, se précipita sur le palier, s'agenouilla puis épongea le parquet avec son jupon. Dans le même élan, elle se précipita pour gravir l'escalier qui menait, côté logis, sur le toit en terrasse du château et, de l'autre, à l'étage condamné du donjon. Déjà, au-dessous d'elle, le baron parvenait à ses appartements. Sachant qu'on allait s'y succéder pour apporter les plats, Algonde jugea plus prudent d'attendre.
    Elle passa sous le porche de pierre frappé à son

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