Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
les yeux, agacée comme la veille de ce que cela impliquait pour Philippine.
    — À Saint-Just, deux hommes se sont battus pour moi. L'un d'eux était un Hospitalier. Il était moribond lorsque j'en suis partie. J'espère que ceux-là ne viennent pas nous apprendre son décès.
    — Vous n'en seriez pas responsable.
    — Qu'en sais-tu ?
    — J'en crois ce que dame Sidonie a dit à ma mère. Et ce que je vois.
    — Ah ? Et que vois-tu ?
    — Votre beauté, Hélène. Troublante et attachante…
    Elle ne poursuivit pas. Gênée d'une émotion étrange que venait d'éveiller l'évidence de ce constat. De nouveau, ses yeux balayèrent la surface de la table.
    — Je te retourne le compliment, Algonde, enchaîna la voix légèrement éraillée de Philippine.
    Elle l'éclaircit d'un toussotement et poursuivit :
    — Mais cela ne change rien à l'affaire. Je me sens coupable, quoi qu'on m'en dise, quoi que j'y fasse. Je t'envie, sais-tu, de pouvoir aimer sans contrainte. Moi, je préfère me garder des hommes plutôt que de risquer de revivre semblable affrontement.
    — Vous aimerez pourtant, assura Algonde, pour adoucir cette angoisse qu'elle devinait latente au plus secret d'elle.
    Que n'aurait-elle donné en cet instant pour lui dire à quel point elle la comprenait…
    — Jamais, je te dis.
    Algonde n'insista pas. Philippine repoussa son bol. Le souvenir de Philibert de Montoison lui avait coupé l'appétit.
    — Merci pour ta tartine. Ma mère me les préparait pareillement lorsque j'étais enfant. Ce souvenir-là était un souvenir heureux. Je souhaite que nous en partagions d'autres. Beaucoup d'autres.
    Algonde hocha la tête, troublée de nouveau par la douceur de son regard. Pas d'homme, avait-elle dit. Cela sous-entendait-il pour elle quelque attachement contre nature ? Elle chassa l'idée, surprise toutefois de la concevoir avec moins d'écœurement qu'elle ne l'aurait imaginé quelques jours plus tôt. La faute sans doute au plaisir que Mathieu avait réveillé en elle par ses caresses et le baron par son entêtement.
    — Allons à présent. Puisqu'on m'attend, faisons face avec panache. Choisis-moi une robe de circonstance, sobre mais point trop austère, décida Philippine en écartant sa chaise.
    Algonde se leva à son tour et se dirigea sans hésitation vers le coffre dans lequel elle avait soigneusement rangé les effets de Philippine la veille.
     
    Philibert de Montoison écoutait d'une oreille distraite les divagations culinaires de maître Janisse sur l'art et la manière de réussir le pâté en croûte de lapin aux girolles pour lequel il avait eu la mauvaise idée de trop le féliciter. Intarissable depuis dix minutes, le cuisinier bombait le torse et moulinait des mains, sous l'œil moqueur de ses marmitons, dont le plus âgé, voyant l'Hospitalier en peine, s'était empressé de lui porter son dessert. Cela n'avait pas perturbé le maître, trop heureux de la reconnaissance de son talent.
    — Une gousse d'ail, mon bon, une gousse, pas davantage, trop, cela emporte la bouche, pas assez, il en serait fade. Une gousse, voilà la bonne mesure, mais attention, chevalier, pas n'importe quelle gousse, non non non non… Il la faut charnue et fraîche, au cœur d'un blanc limpide. S'il est vert déjà, il vous collera mauvaise haleine. Mettez votre main, là, devant votre bouche et soufflez, si si, j'insiste, soufflez et dites-moi un peu si vous empestez…
    — Inutile, je vous crois sur parole, affirma pour s'en débarrasser Philibert de Montoison, avant d'enfourner dans sa bouche le dernier morceau de la part de tarte qu'on lui avait servie, envieux du silence que devaient goûter ses compagnons demeurés auprès de l'escadre de sire Dumas.
    — Ah ! messire, quand on a affaire à un homme de votre qualité, servi à la table des princes, le moindre dosage est crucial. Que dis-je… Vital! Imaginez-vous sortir de table puant l'ail sans vous en douter ? Vous rendre auprès de quelque belle, porteur de cette infirmité ? Lui déclarer votre flamme et la voir se reculer ? Non, je vous le répète. Une gousse, une seule, virginale à souhait, voilà mon secret !
    — Je le garde et vous en remercie, maître Janisse, mais je dois vous laisser, se dressa Philibert de Montoison, profitant de ce qu'il reprenait son souffle.
    Le cuisinier se fendit d'une courbette puis d'une autre, et d'une troisième plus basse encore que son excès, tout autant que sa corpulence, rendit hautement

Weitere Kostenlose Bücher