Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
paisible et cette sérénité-là, tant contraire à son tempérament, ajoutait encore à leur épreuve. Lorsque la porte de la chambre s'ouvrit en grinçant impitoyablement, Jacques se signa puis se releva pour se tourner vers Marthe, immobile près de l'entrée. Refusant de tout son être que cette figure immonde souille par sa seule présence la dernière demeure de sa fille chérie, il se hâta de la rejoindre, certain que Sidonie l'attendait.
    Il trouva son épouse qui, dédaignant les services de la nourrice affectée à cette tâche, berçait le nourrisson contre son sein et prenait grand plaisir à le voir voracement téter son mamelon.
    — Je suis heureux de vous voir si vitement remise, ma mie, lui lança Jacques.
    Sidonie leva les yeux sur lui, emplis d'un bonheur généreux. Elle se figea en découvrant les traits tirés de son époux qui s'avançait vers elle.
    — Vous avez manqué de sommeil, Jacques, quand le mien était si doux. Je m'en veux de vous avoir inquiété de la sorte.
    Il l'embrassa au front, puis s'assit près d'elle. Les mots ne parvenaient pas à sortir de sa gorge. S'accordant à l'ordre qu'il venait de lui donner, Marthe entraîna la nourrice dans la pièce voisine. Sidonie passa la paume de sa main sur la barbe naissante de Jacques, émue par cette négligence dont l'inquiétude qu'il avait eue pour elle lui paraissait être la cause.
    — Savez-vous ce qui me ferait plaisir, mon bel amour ? Qu'un sourire chasse cette vilaine barre à votre front. Votre fils est gaillard, et moi vive. Il ne manque que petite Claudine pour jalouser notre étreinte à tous trois. Ne vous a-t-elle pas assommé de questions depuis l'aube ?
    Elle se mit à rire, légère et insouciante, et ce rire-là lui fit si mal que Jacques le lui écrasa de ses lèvres, avant de remonter jusqu'à son oreille.
    — Ne crie pas, Sidonie. Pour l'amour de moi et celui de notre fils, ne crie pas…
    Il la sentit se tétaniser. Cette peur, indicible, dans sa voix.
    — Pourquoi le ferais-je ? Pourquoi, Jacques ?
    — Parce que Claudine ne viendra plus et que je ne peux rien changer à ça.

10
    Le dégel s'était amorcé au début du printemps. Il avait semblé jusque-là que toute vie s'était arrêtée, prisonnière de ses rets.
    À La Bâtie, huit jours après l'enterrement de Claudine, on baptisa le petit Claude que Sidonie, en réponse sans doute à cette peine immense en elle, avait refusé de donner en nourrice. Le mettre au sein avait retardé ses relevailles et elle ne quittait que très rarement ses appartements où Jacques venait la distraire de sa conversation de longues heures durant. Ensemble, ils prirent la décision d'aller, dès que l'état de Sidonie le permettrait, récupérer les filles Sassenage à Saint-Just. Philippine s'en réjouit fortement et doublement. L'idée de revoir sœur Albrante avec laquelle, fidèle à sa promesse, elle n'avait cessé de correspondre, adoucit un peu la douleur du tombeau.
    Les fêtes reprirent, avec un faible entrain au début, puis de nouveau le rire et les jeux l'emportèrent.
    Algonde y avait toujours sa place, inchangée depuis le drame. Elle s'y étourdissait. Dans sa mémoire douloureuse, une image la hantait sans cesse. Elle revoyait sa main lâchant celle de Claudine en haut des marches. Ce geste-là était la cause de tout. Elle aurait dû la retenir, empêcher la fillette de descendre. Agir. Agir. Agir ! lui hurlait sa conscience. Si elle n'avait pu empêcher quelque chose d'aussi simple, d'aussi facile, d'aussi essentiel, quel pouvoir avait-elle, quelle solution trouverait-elle, quelle espérance lui restait-il pour sauver un monde ? Elle se fustigeait de n'avoir pas vu, deviné, senti. N'avait-elle pas le pouvoir de prémonition ? Pourquoi cette scène-là n'était-elle pas venue frapper son esprit à l'inverse d'autres sans importance ? Pourquoi ? Fallait-il donc que petite Claudine meure par sa faute ? C'était si injuste qu'elle refusait de le croire, de l'admettre, et pour se punir, quand nul ne songeait à lui reprocher quoi que ce soit, elle se privait de l'apaisement que lui procurait la vision des siens, à Sassenage.
    « Puisque je ne peux intervenir, se mentait-elle, autant ne pas savoir. »
     
    Sitôt que les chemins avaient été praticables, soit huit jours plus tôt, le baron de Bressieux, Aymar de Grolée, s'y était aventuré pour rendre visite à son vieil ami Jacques. Son chagrin, tout autant que l'affection sincère

Weitere Kostenlose Bücher