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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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se plaisaient mieux dans des bouteilles bleues, tempéra Algonde en le récupérant pour le déboucher.
    Mais elle savait à présent entre quelles mains Présine l'avait caché. Elle s'en désola. Si la Harpie forçait une nouvelle introspection en son crâne, elle en serait informée. Elle refusa d'y penser, porta le goulot à ses lèvres, puis avala l'amère potion d'un trait.
    Aussitôt une chaleur intense se répandit en elle, au point qu'elle repoussa les draps et se mit à suer. Tandis que les effets de l'élixir la prenaient, Gersende se leva et ramena le flacon pyramide en sa cachette initiale.
    — Êtes-vous sûre qu'il fallait tout lui donner ? s'inquiéta Philippine en voyant Algonde, les yeux fermés sur ce feu intérieur, virer au grenat de la tête aux pieds.
    Visiblement la jouvencelle peinait à respirer. Revenue vers le lit, Gersende pressa l'épaule de Philippine.
    — Ayez confiance, damoiselle. Le mal est pernicieux. Il faut attendre.
     
    Bien qu'elle donnât l'illusion du contraire, Algonde ne souffrait pas. Elle avait perdu la conscience de ce qui l'entourait, tournée tout entière vers cette transformation qu'elle sentait s'opérer en elle. Elle ignorait quelle en était la nature, mais on eût dit que l'élixir consumait chaque partie de son corps l'une après l'autre. Là où le brasier s'éteignait, à défaut de cendre, autre chose naissait. De même nature et pourtant, elle le devinait, plus dense, plus vibrante. C'était comme un ballet fabuleux de couleurs intenses qui explosaient en étoiles et que, lucide, elle regardait danser.
     
    Philippine porta ses doigts à la carotide d'Algonde comme sœur Albrante le lui avait appris alors qu'elle s'occupait des duellistes à Saint-Just. Elle tourna vers Gersende un visage effrayé.
    — Le rythme est fou. Si rapide qu'on perçoit à peine les intervalles entre deux battements. Je crains qu'on ne la perde au lieu de la sauver.
    — Tranquillisez-vous Hélène. J'ai la plus grande confiance en la sorcière et en la force de vie de ma fille.
    — Ne faudrait-il pas lui mettre Elora sur le ventre ? À vous, je peux bien le dire, l'autre soir, une lumière divine les a soulevées toutes deux à près d'une toise. L'instant d'après, Algonde était sauvée.
    — Patience… la contraignit Gersende dans un sourire apaisant alors qu'elle avait elle-même toutes les peines du monde à se rassurer.
    Son voyage intérieur était terminé. Un autre venait de commencer. Aux images qui lui venaient, Algonde ne douta pas un instant que l'élixir contenait la mémoire d'événements passés. Comment ? Elle était bien incapable de l'expliquer, mais elle voyait défiler en elle les ruelles blanches de la ville gigantesque que Présine lui avait montrée. Au centre, un lac miroitait. Des rivières en partaient, s'étoilaient sous les portes de la cité pour se perdre à quelques lieues dans des auréoles aux reflets changeants. Des gens en barque allaient et venaient. Comme dans sa prémonition, ils écartaient les bras une fois parvenus devant le cercle et se faisaient avaler alors même que derrière ces passages impalpables, les prés fleurissaient. Le lieu respirait la sérénité. Était-ce à cause de cette tour imposante et blanche dont le dôme de cristal abritait une lumière bleutée ? Plusieurs personnes s'y trouvaient. Si grands. Des géants, pensa Algonde avant de comprendre qu'ils étaient réunis autour d'une table translucide sur laquelle une carte était tracée. Trois flacons pyramidaux de verre bleu avaient été posés à l'endroit même où, au milieu d'autres, leur symbole avait été dessiné. La dentelle d'argent qui les recouvrait sur trois faces s'était ouverte en corolle, formant un petit triangle à leur intersection, par lequel, jaillissant d'en dessous, un rai de lumière passait. C'était lui qui, se reflétant à l'infini sur le verre, illuminait l'espace de sa douceur bleutée.
    Algonde eut la sensation que cette lumière se répandait en elle, comme l'autre jour, après que Philippine eut couché Elora sur son ventre. Cette fois elle y resterait. Elle en était certaine. Le bien avait gagné.
    Bientôt, elle retrouva la notion de ce qui l'entourait. La voix de sa mère qui rassurait Philippine.
    — Voyez, damoiselle, elle nous revient, c'est terminé.
    Elle ouvrit les yeux et balaya d'un sourire le visage de Philippine.
    — Je me sens parfaitement remise. Ce n'est pas demain que le sire de Montoison pourra

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