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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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À pied, sans appui d'aucune sorte et dans l'état où elle était, Jeanne n'avait pu aller bien loin. Elle aurait tôt fait de la rattraper.
    Marthe battit la campagne la nuit durant avant de se rendre, à l'aube, à l'évidence que sa prisonnière s'était volatilisée.
    Cette fois, plus de doute. Quelqu'un l'avait aidée.
    Si ce n'était Jacques de Sassenage, qui y avait intérêt ?
    « Présine, songea Marthe. Ce ne peut être que toi, mère. Oui, je ne vois que toi pour me défier. »
    Elle serra les poings de rage et hurla à la lune.
    Le besoin de sang frais afflua dans sa bouche. Dévalant les sentes comme un animal, elle se mit en quête d'une pucelle à massacrer.
     

25
    De son plein gré.
    C'était la condition qu'avait mise Hugues de Luirieux pour décider du sort final d'Enguerrand. Mounia s'activait donc en sa couche chaque soir, sans plaisir, sans culpabilité. Un corps sans âme qui s'offrait, se pliait au gré des fantaisies de son tortionnaire. Aux violences succédait la caresse, à la caresse, la tendresse.
    Elle ne parlait pas. Ne pensait pas. Ne respirait pas.
    Attendait. Comme une catin. Pour sauver l'homme qu'elle aimait.
    Au matin, elle regagnait la proue du navire, inspirait l'air du large, refusait d'entendre les commentaires graveleux des matelots. Elle demeurait ainsi le nez au vent la journée durant. Ravagée d'inquiétude, de questions.
    Où le détenaient-ils ? Dans la cale sèche ? le carré des hommes ? Dans quel état était-il ? Elle l'avait quitté inanimé, moribond. Il était si improbable qu'il ait survécu à une chevauchée à dos de chameau. Et quand bien même, le roulis n'allait-il pas l'achever ? Dès qu'une barre de nuages bouclait trop hardiment dans l'azur, que la mer s'agitait, elle se liquéfiait d'angoisse.
    — Je veux le voir, avait-elle exigé au matin du deuxième jour de traversée.
    — Non, lui avait répondu sobrement Luirieux qui se rhabillait au pied de la paillasse, laissée à leur disposition en soute, derrière une rangée de tonneaux d'eau potable.
    — Pourquoi ?…
    Il avait bouclé sa ceinture sur ses braies sans répondre. Les seins et le ventre nus, elle s'était agenouillée sur la couverture. Avait insisté.
    — Tu as eu ce que tu voulais… Et tu l'auras jusqu'à plus soif. Laisse-moi le voir. Juste le voir.
    Il s'était empli les yeux de sa silhouette balayée par les lueurs dansantes d'un falot, de sa chevelure noire, abondante, qui cascadait jusqu'aux reins zébrés par les lanières du fouet. L'œil, gourmand, s'était fait douloureux puis de nouveau, cruel.
    — J'ai adouci ta punition, Mounia, je ne t'ai pas absoute.
    — Qui me prouve que tu ne mens pas ? s'était-elle révoltée.
    Les yeux sombres de Luirieux s'étaient étirés, rétrécis. Un pli amer avait durci le coin de sa bouche.
    — Rien. Rien ne le prouve. Mais il faudra t'en contenter.
    Et pour s'assurer qu'elle ne lui fausserait pas compagnie pour visiter le navire dès qu'il s'endormirait, la nuit suivante, après l'amour, il lui avait lié les poignets.
     
    En cette fin d'après-midi du 17 juillet 1484, des côtes se devinaient à l'horizon. Demain, à la même heure, ils débarqueraient. Mounia avait compris qu'elle n'en saurait pas davantage. Hugues de Luirieux pouvait se réjouir. Si les coups et les humiliations l'avaient laissée indifférente, le doute qu'il avait instillé en elle l'avait détruite. Quitter ce navire sans avoir seulement pu s'assurer qu'Enguerrand y était prisonnier serait un déchirement qui la tuerait. Elle chancela. Il ne fallait pas. Il ne fallait pas abdiquer. Son pubis heurta la coque, lui rappelant la promesse qu'il portait. Au moins cet enfant-là l'empêcherait-il de subir celui d'un autre. C'était à lui qu'elle devait s'accrocher.
    — Peaux bleues à bâbord, beugla soudain un des pirates, juché dans la mâture, comme il avait hurlé « Terre ! » quelques minutes plus tôt.
    Les marins se mirent à gueuler, s'apostrophant les uns les autres. Mounia tourna la tête. À la vitesse de l'éclair, ils s'étaient précipités pour remonter le filet mis à la traîne, tandis que d'autres s'armaient d'arbalètes. Comme ces derniers, Mounia sonda les flots assombris par le couchant. Elle finit par les apercevoir. Trois énormes ailerons qui fendaient la surface.
    Les traits se mirent à pleuvoir, s'enfonçant sous la surface.
    Pourquoi les requins s'en prenaient-ils au navire ? s'étonna Mounia. Seul le sang les

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