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Le chant du départ

Le chant du départ

Titel: Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Pichegru.
    Pichegru est arrêté.
    Quelques jours plus tard, un autre courrier annonce à Napoléon la mort du général Hoche, depuis longtemps tuberculeux, et la mise à la réforme du général Moreau, suspect de complicité avec les royalistes.
    Je suis désormais le seul .
    Il faut rassurer ces Directeurs qui viennent de se renforcer et qui peuvent craindre maintenant ce général glorieux dont on acclame le nom à Paris, que des journaux soutiennent.
    Alors, le 10 octobre, Napoléon s’installe à sa table et écrit aux directeurs : « Je veux rentrer dans la foule, prendre le soc de Cincinnatus et donner l’exemple du respect pour les magistrats et de l’aversion pour le régime militaire qui a détruit tant de républiques et perdu plusieurs États. »
    Êtes-vous rassurés, messieurs les Directeurs ?

28.
    — Moi, commence Napoléon.
    Il se tient dans le salon du château de Passariano où habituellement il reçoit le comte de Cobenzl.
    Le plénipotentiaire de Vienne doit arriver de Campoformio dans quelques minutes et Napoléon est décidé à terminer la négociation de paix. Maintenant que le danger de coup d’État royaliste à Paris est écarté, il faut qu’aux yeux de tous les Français Napoléon soit l’homme de la paix.
    — Moi, je n’ai point d’ambition, reprend Napoléon en regardant Berthier qui vient de lui lire les journaux parisiens.
    Ils chantent tous les louanges du général Bonaparte.
    — Ou, si j’en ai, continue-t-il, elle m’est si naturelle, elle m’est tellement innée, elle est si bien attachée à mon existence, qu’elle est comme le sang qui coule dans mes veines ; comme l’air que je respire ; elle ne me fait point aller plus vite ; je n’ai jamais à combattre ni pour elle, ni contre elle ; elle n’est jamais plus pressée que moi ; elle ne va qu’avec les circonstances et l’ensemble de mes idées.
    Qu’est-ce que l’ambition ? Il préférerait dire l’énergie, le désir d’aller de l’avant. Où ? Il sait que, si la paix est conclue, il lui faudra quitter l’Italie. Il ne peut demeurer dans ce pays conquis mais qui n’est pas le sien et où il dépendrait toujours des décisions de Paris. Il faudrait retourner à Paris, mais quelle place pourrait-il y occuper ? Être l’un des Directeurs ? « La poire n’est pas mûre », a-t-il souvent pensé. Alors partir plus loin.
    Il s’est rendu plusieurs fois au bord de la mer Adriatique.
    Il a regardé, à l’est et au sud, ces côtes découpées qui rappellent celles de la Corse et annoncent déjà la Grèce et l’Orient. Il rêve, il imagine. Il suffirait de quelques heures pour atteindre les îles Ioniennes, françaises désormais. Puis, au-delà, en un nouveau bond, il ne faudrait que quelques jours de navigation pour rejoindre Malte, cette citadelle au coeur de la Méditerranée. Et ainsi, d’île en île, parvenir à ce continent, celui des conquérants antiques entrés dans ces villes mythiques, Alexandrie, Jérusalem. Mais il faudrait pour cela contrôler la mer, réduire l’Angleterre.
    « Détruire l’Angleterre, c’est mettre l’Europe à nos pieds », dit-il au diplomate Poulssiègue, qu’il charge d’une mission d’espionnage à Malte. Et comme le diplomate s’étonne de ce propos, Napoléon hausse les épaules. Pourquoi faut-il toujours expliquer une intuition, un rêve ?
    « Les temps ne sont pas éloignés, murmure-t-il, où nous sentirons que, pour détruire véritablement l’Angleterre, il faut nous emparer de l’Égypte. »
    Mais, naturellement, le diplomate n’a pas lu les Voyages en Syrie et Égypte de Volney, ce vieil ami connu jadis en Corse.
    Napoléon reste les yeux immobiles tournés vers l’horizon.
    Plus loin .
    Mais d’abord, il faut conclure cette paix avec l’Autriche.
     
    Le comte de Cobenzl s’assied avec élégance, croise les jambes, commence à développer ses arguments.
    Napoléon marche avec impatience dans le salon. Il ne peut écouter. Pour qui cet aristocrate le prend-il ? Pour un quelconque petit diplomate titré qu’on fait tourner en rond comme un âne ? Voilà des jours que la négociation piétine.
    Napoléon sent la fureur monter, mais il ne tient pas à l’arrêter. Que le grondement roule, que la lave surgisse ! Il faut parfois rugir.
    — Votre empire, crie-t-il tout à coup, est une vieille catin habituée à se faire violer par tout le monde… Vous oubliez que la France est victorieuse et que vous êtes vaincus… Vous oubliez

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