LE CHÂTEAU DANGEREUX
par Fabian, aux oreilles de qui toutes les suggestions de la peur n’avaient pu étouffer le son de la voix de son cher maître.
Il y avait en cet endroit un poste d’archers anglais qui commençaient à fuir, en proie aux plus vives alarmes, lorsque de Valence et son page arrivèrent au milieu d’eux : « Coquins ! s’écria de Valence, pourquoi n’étiez-vous pas en faction ? quel est l’individu qui tout à l’heure à passé ici en poussant le cri des traîtres : « Douglas ! »
« Nous ne savons ce que vous voulez dire, » répliqua le commandant du poste.
– « C’est-à-dire, infâmes coquins, que vous aviez trop bu et que vous dormiez. »
Les hommes protestèrent du contraire, mais d’une manière si confuse, qu’ils ne parvinrent pas à dissiper les soupçons de sir Aymer. Il demanda à grands cris qu’on apportât des lanternes, des torches et des flambeaux ; et le peu d’habitans restés dans la ville commença à se montrer, quoique avec répugnance, apportant tous les matériaux propres à donner de la lumière, qu’ils se trouvaient avoir. Ils écoutèrent avec surprise le récit du jeune chevalier anglais, et quoiqu’il leur fût confirmé par tous les hommes de sa suite, ils n’ajoutèrent pas plus foi à cette histoire que les Anglais pour une raison ou pour une autre, ne souhaitaient en venir à une querelle avec les habitans de l’endroit, sous prétexte qu’ils avaient reçu de nuit dans leur ville un partisan de leur ancien seigneur. Ils protestèrent donc qu’ils étaient innocens de la cause de tout ce tumulte, et tâchèrent de paraître actifs à courir de maison en maison et de coin en coin avec leurs torches, pour découvrir le cavalier invisible. Si d’un côté les Anglais les soupçonnaient de trahison, de l’autre les Écossais s’imaginaient que toute cette affaire n’était qu’un prétexte pour que le jeune chevalier portât accusation contre les citoyens. Cependant les femmes, qui commençaient alors à sortir de leurs maisons, trouvèrent, pour résoudre le problème de cette apparition, une clef qui à cette époque, était jugée suffisante pour faire cesser le mystère. « Le diable, disaient-elles, doit nécessairement s’être montré d’une manière visible parmi eux : » explication qui s’était déja présentée à l’esprit des compagnons de Sir Aymer ; car qu’un homme vivant et un cheval, tous deux, à ce qu’il semblait, d’une taille gigantesque, pussent être évoqués en un clin-d’œil et apparaître dans une rue gardée d’un bout par les meilleurs archers et de l’autre par les cavaliers que commandait Valence lui-même, c’était, à ce qu’il paraissait, une chose tout-à-fait impossible. Les habitans n’osaient pas exprimer tout haut leur pensée sur un tel incident, et s’indiquaient seulement les uns aux autres, par un mot qu’ils échangeaient à la dérobée, le plaisir secret qu’ils ressentaient en voyant la confusion et l’embarras de la garnison anglaise. Néanmoins ils continuaient toujours d’affecter un grand zèle et de prendre beaucoup d’intérêt, tant à l’aventure qui était arrivée à de Valence qu’au désir qu’il manifestait de connaître la cause de cette alarme.
Enfin, une voix de femme se fit entendre par dessus cette Babel de sons confus, disant : « Où est le chevalier anglais ? je suis sûre de pouvoir lui dire où il pourra trouver la seule personne capable de le tirer de l’embarras où il se trouve actuellement. »
« Et quelle est cette personne, bonne femme ? » dit Aymer de Valence qui s’impatientait de plus en plus en voyant filer le temps qu’il perdait à une recherche passablement vexatoire et même assez ridicule. En même temps la vue d’un partisan des Douglas, armé de pied en cap, dans leur ville natale, semblait comporter de trop sérieuses conséquences s’il laissait passer cette circonstance sans découvrir le fond de l’affaire.
« Approchez-vous de moi, dit la voix de femme, et je vous nommerai la seule personne qui puisse vous expliquer les aventures de ce genre qui arrivent dans ce pays. » À ces mots, le chevalier saisit une torche des mains de ceux qui étaient près de lui, et l’élevant en l’air, découvrit la personne qui parlait, une grande femme, qui évidemment faisait tous ses efforts pour se faire apercevoir. Lorsqu’il se fut approché d’elle, cette femme lui communiqua d’un ton grave et sentencieux ce
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