LE CHÂTEAU DANGEREUX
rebelles ? »
– Si vos amis, que je devrais, moi, appeler oppresseurs et tyrans, prennent nos terres et notre vie, saisissent nos châteaux et confisquent nos biens, vous devez convenir que les dures lois de la guerre accordent aux miens le privilége des représailles. Il n’est point à craindre que de tels hommes, au milieu de telles circonstances, se montrent cruels ou, insolens envers une femme de votre rang ; mais il est tout différent de se demander s’ils ne chercheront pas à tirer avantage de votre captivité, suivant le droit commun de la guerre. Vous ne voudriez pas, je pense, être rendue aux Anglais à condition que sir John de Walton livrerait le château de Douglas à son possesseur naturel ; néanmoins, si vous étiez entre les mains de Bruce ou de Douglas, quoique je puisse répondre qu’ils vous traiteraient avec tout le respect qu’il leur serait possible de vous montrer, j’avoue cependant qu’il ne serait nullement invraisemblable qu’ils exigeassent pour vous une semblable rançon. »
« J’aimerais mieux mourir que de savoir mon nom mêlé à un contrat si honteux ; et la réponse qu’y ferait de Walton serait, j’en suis certaine, de couper la tête au messager, et de le jeter de la plus haute tour du château de Douglas. »
– « Où donc iriez-vous maintenant, madame, si le choix vous en était laissé ? »
« Dans mon propre château, où, s’il était nécessaire, je pourrais me défendre même contre le roi, jusqu’à ce que je pusse du moins mettre ma personne sous la protection de l’Église. »
« En ce cas, mon pouvoir de vous prêter secours n’est que précaire, mais il s’étend jusqu’à un choix que je vais sans hésiter soumettre à votre décision, quoi que j’expose ainsi les secrets de mes amis à être découverts et leurs projets à devenir inutiles. Mais la confiance que vous avez mise en moi m’impose la nécessité de vous en témoigner autant. Vous êtes donc libre, ou de m’accompagner au rendez-vous secret de Douglas et de mes amis, que je puis être blâmée de vous avoir fait connaître, et de courir la chance de l’accueil qui vous y attend, puisque je ne puis vous répondre que d’un traitement honorable en ce qui concerne votre personne ; ou si vous trouvez ce parti trop hasardeux, dirigez-vous le plus promptement possible vers la frontière : dans ce dernier cas, je vous accompagnerai aussi loin que je pourrai vers la limite anglaise, et alors, je vous laisserai poursuivre votre route, et trouver parmi vos compatriotes un protecteur et un guide. Cependant, il sera heureux pour moi de ne pas être rattrapée, car l’abbé n’hésiterait pas à me condamner à mort comme nonne parjure. »
« Une telle cruauté, ma sœur, ne pourrait guère être infligée a une femme qui n’a jamais prononcé les vœux de religion, et qui a encore, d’après les lois de l’église, le droit de choisir entre le monde et le cloître. »
« Choix semblable à celui qu’ils ont laissé aux braves victimes qui sont tombées entre des mains anglaises durant ces guerres sans miséricorde ; à celui qu’ils ont laissé à Walace, le champion de l’Écosse ; qu’ils ont laissé à Hay, le bon et le libre ; qu’ils ont laissé à Sommerville, la fleur des chevaliers ; à Athol, proche parent du roi Édouard lui-même ; à tous ceux enfin qui furent regardés comme autant de traîtres, nom sous lequel ils furent exécutés, de même que Marguerite de Hautlieu est une religieuse parjure et soumise aux règles du cloître. »
Elle parlait avec une certaine chaleur, car il lui semblait que la noble Anglaise lui reprochait d’être plus froide dans des circonstances si difficiles qu’elle n’avait conscience de l’être.
Et après tout, continua-t-elle, vous, lady Augusta de Berkely, à quoi vous exposez-vous en courant risque de tomber entre les mains de votre amant ? Quel terrible danger affrontez-vous ? Vous ne devez pas craindre, ce me semble, d’être enfermée entre quatre murs avec un morceau de pain et une cruche d’eau ; ce qui, si j’étais prise, serait la seule nourriture qu’on m’accorderait pour le court espace de temps qui me resterait à vivre. Bien plus, dussiez-vous même être livrée aux Écossais rebelles, comme vous les appelez, une captivité au milieu des montagnes, adoucie par l’espoir d’une prochaine délivrance, et rendue tolérable par tous les soulagemens que les circonstances
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