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Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colleen McCullough
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terrifiés que j’avais acculés. Le poids de l’armure me permettait de résister à la poussée toujours plus forte du courant. Je continuai de tuer jusqu’à ce que les eaux du Scamandre fussent rouges de sang.
    Un Troyen essaya d’engager un duel. Il s’appelait Astéropaïos ; sans doute un fils de la haute noblesse de Troie, car il était revêtu de bronze doré. Se trouvant sur la rive, il avait l’avantage. J’étais dans l’eau jusqu’à la taille et je n’avais rien d’autre que ma hache, alors qu’il tenait une poignée de javelots. Mais surtout ne croyez pas qu’Achille soit sot ! Tandis qu’il s’apprêtait à envoyer son premier projectile, je pris ma hache par l’extrémité du manche et la lançai sur lui comme une javeline. À la vue de cette arme fendant l’air, il visa mal. La hache qui étincelait au soleil l’atteignit en pleine poitrine et la lame pénétra dans sa chair. Il ne survécut qu’un instant avant de lourdement tomber dans les flots.
    Voulant reprendre la hache, j’allai jusqu’à lui et le retournai. Mais la hache était plantée profondément dans son corps et le métal de sa cuirasse s’était tordu autour du manche. J’étais tellement absorbé qu’à peine entendis-je un sourd grondement. L’eau monta soudain jusqu’à mes aisselles. Astéropaïos y flottait, léger comme une écorce. Je lui saisis le bras et le rapprochai tout contre moi pour le stabiliser tandis que je tirais sur la hache de toutes mes forces. Le grondement devenait roulement de tonnerre et je dus lutter pour conserver l’équilibre. Enfin la hache se libéra. J’enroulai sa lanière autour de mon poignet en la serrant bien, de peur de la perdre. Le dieu du fleuve me criait sa colère ; il semblait préférer que son peuple le souillât de ses déchets plutôt que moi du sang de ses soldats.
    Un mur d’eau me tomba dessus. Même Ajax ou Héraclès n’aurait pu y résister. Mais oh ! Miracle ! Une branche d’orme surplombait le fleuve ! Je fis un bond pour la saisir. Mes doigts ne rencontrèrent que des feuilles, ma main se tendit désespérément et j’empoignai enfin la branche. Elle se courba sous mon poids et je retombai dans le courant.
    Un instant, le mur parut s’immobiliser au-dessus de moi, puis le dieu le précipita sur ma tête avec toute la violence dont il était capable. Je pris une grande bouffée d’air avant que le monde devînt liquide et que je fusse projeté dans toutes les directions à la fois avec une violence inouïe. Ma poitrine semblait prête à éclater. Mes mains s’agrippèrent d’elles-mêmes à la branche d’orme ; dans mon angoisse je pensai au soleil, au ciel, et me lamentai : vaincu par un fleuve. Singulière ironie du sort ! Je m’étais épuisé à pleurer Patrocle, à tuer des Troyens et cette armure de fer m’écrasait.
    J’implorai la dryade qui vivait dans l’orme, mais l’eau continuait à rouler au-dessus de ma tête avec la même force ; cependant la dryade ou quelque autre esprit finit par entendre ma prière et ma tête émergea. Je respirai l’air avec avidité et regardai autour de moi, désespéré. La rive, qui avait été assez proche pour que je pusse la toucher, avait disparu. Je saisis à nouveau l’orme et la dryade m’abandonna. Le reste de la berge, emporté par les eaux, laissa à nu les grosses racines du vieil arbre. Avec toute cette masse de fer, j’étais trop lourd ; les branches se mirent à plier et l’orme plongea dans le fleuve. C’est à peine si l’on entendit un bruissement tant le grondement de l’eau était fort.
    Je tenais toujours la branche, me demandant si le Scamandre serait assez puissant pour tout emporter vers l’aval. Mais l’orme resta la tête dans l’eau, formant une digue qui retenait les débris poussés vers notre camp et vers la palissade des Myrmidons. Les corps s’entassaient contre cette masse, des plumets pourpres s’enroulaient autour de ses feuilles vertes, des mains flottaient, répugnantes.
    Je lâchai la branche et commençai à regagner à pied le bord du fleuve, qui était moins profond depuis que la berge s’était effondrée. Sans cesse le courant implacable m’empêchait de poser les pieds sur le fond vaseux du fleuve ; sans cesse ma tête disparaissait sous l’eau. Pourtant je me débattais et me rapprochais de mon but. Je réussis à saisir une touffe d’herbe, mais elle se détacha du sol saturé d’eau. Je coulai à nouveau, me redressai

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