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Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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possession, qu’elle rentre en France, et on n’en parle plus   ! Sinon, qu’elle se retire à Golden Square jusqu’à la fin de ses jours.
    La «fille extravagante   » répondit {i} hautement à celui qui se posait en maître   : elle ne rendrait la totalité des papiers que lorsque les articles de la transaction seraient exécutés. Mais les exigences imposées par le roi à sa métamorphose en femme pèsent désormais d’un poids insoutenable au chevalier-chevalière. Que son sexe puisse être un objet de spéculation le révolte. « C’était sans doute pour me montrer à la foire de Saint-Germain, ou plutôt pour me faire mourir que vous vouliez que moi, malade depuis trois mois, je quittasse promptement mes chers habits d’homme   ?   », s’écrie- t-il. Mais son désarroi est plus grand encore. En tant que femme, il perd aussi sa raison de vivre. « Quel service puis-je rendre au roi sous mes habits de fille   ? Sous mon uniforme au contraire, je puis le servir en guerre comme en paix, comme j’ai toujours eu le courage et le bonheur de le faire depuis vingt-deux ans.   » Mais n’est-ce pas lui, d’Éon, qui a voulu se faire passer pour une fille d’Ève   ? Il faut donc jouer le jeu qu’il s’est imposé. Aussi est-il bien obligé d’ajouter, victime consentante   : « Si cependant Sa Majesté et ses ministres persistent toujours dans l’exécution de notre transaction, je la remplirai par obéissance, mais vous êtes tenu, dit-il à Beaumarchais, [...] de me faire accorder toutes mes justes demandes contenues dans ma dernière lettre. Alors je rendrai fidèlement tout le restant des papiers. Donnez-moi mon trousseau, payez ma dot et les frais de la noce, alors la bonne harmonie sera rétablie entre nous   », ajoute-t-il, la mort dans l’âme.

Les fureurs de Mlle d’Éon de Beaumont contre un laquais parvenu
    À Paris comme à Londres, on est persuadé que d’Éon est une femme. Alors que les Anglais veulent en avoir la preuve, les Français sont surtout curieux de voir ce singulier personnage et de connaître la suite de ses aventures. Avant de se mettre en route pour la terre natale, d’Éon attend impatiemment son dû. Mais le temps passe. Beaumarchais reste insensible à ses récriminations. « Je ne vous dis rien de mon héroïne parce qu’elle est toujours au milieu de ses radotages   », écrit-il à Vergennes. Ce silence pèse tant à d’Éon qu’il rédige à l’adresse du ministre un réquisitoire en règle contre celui qu’il considère comme l’artisan de ses malheurs   : l’ancien « ange tutélaire   », aujourd’hui objet de sa rage et de sa rancœur. Sa main tremble en écrivant son nom, et il n’a pas de mots assez durs pour peindre la noirceur de son âme. Un flot d’insinuations perfides se déverse sous sa plume. Il s’agit d’humilier son ennemi en dénonçant son orgueil, son arrogance et ses fautes. Quatorze pages de fureur.
    «Londres, le 27 mai 1776  « Je pense n’avoir pu donner une plus grande preuve de ma modération et de la reconnaissance dont je me croyais redevable envers M. de Beaumarchais qu’en ayant différé depuis le mois d’octobre à vous rendre un compte fidèle de la conduite bizarre et déshonnête que cet espèce d’envoyé extraordinaire a tenue tant envers moi qu’envers Mylord Ferrers. Comme la plupart des faits sont consignés dans la correspondance dont j’ai l’honneur de vous envoyer ci-jointe, et quoique le style des lettres de M. de Beaumarchais ne soit que le diminutif de l’insolence de ses discours et de sa conduite, de peur d’abuser de votre patience et d’un temps que vous savez mieux employer aux besoins de l’État, je me contenterai de vous observer ici, monseigneur, que la véritable raison secrète de la mauvaise humeur de M. de Beaumarchais envers moi, dans cette affaire, provient du refus constant que je lui ai fait, ainsi qu’à son intime ami, le sieur Morande, de les laisser avec leurs associés gagner tout l’argent des polices scandaleuses qui se sont élevées sur mon sexe, sans qu’ils aient pu même m’ébranler par leur promesse de mettre dans ma poche sept ou huit milles louis, si je voulais avoir pour eux cette infâme complaisance. Ceux qui ont bien connu la trempe de mon caractère en France, en Russie, à l’armée, en Allemagne, et les Anglais qui m’ont vu refuser constamment quinze mille guinées en 1771 pour une pareille occupation, n’auront pas de

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