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Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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convalescence près de lui. J’avais grand besoin de ce changement d’air après avoir gardé mon lit et ma chambre presque tout le mois de novembre et de décembre. D’ailleurs, j’ai encore plusieurs affaires à terminer avec milord et l’emportement où vous m’avez jetée m’a plongée dans une indisposition.
    « Je vais donc, monsieur, profiter de mon petit séjour à la campagne pour vous ouvrir mon cœur, et vous parler avec la sensibilité de mademoiselle de Beaumont et la franchise du chevalier d’Éon. [...]
    « Vous parlez de générosité et cependant, lorsqu’il s’agit de solder avec l’argent du roi le compte d’une infortunée victime du secret du roi depuis vingt ans, vous employez le même esprit, les mêmes tracasseries, les mêmes ruses et dextérités que s’il s’agissait de solder le mémoire du comte de La Blache avec l’argent de M. de Beaumarchais. Jugez vous-même, je vous prie, de vos procédés généreux à mon égard   ! Vous me direz sans doute, monsieur, que dans la transaction vous avez eu la générosité de stipuler de vous- même au nom du roi mon trousseau de fille à 2 000 écus, c’est-à- dire 250 guinées, et vous croyez avoir fait un effort de générosité surprenant   !
    « Je répondrai à cela   : que ce n’est pas moi qui ai demandé cette métamorphose, c’est le feu roi et M. le duc d’Aiguillon, c’est le jeune roi et M. le comte de Vergennes   ; c’est vous-même en vertu de vos pouvoirs   ; c’est la famille de Guerchy, qui trembla au seul nom d’homme qui me reste encore par mon baptême   ! Que l’on me rende le poste politique que l’on m’a injustement enlevé aux yeux de l’Europe   ; qu‘on me laisse courir ma carrière militaire, je ne demande rien autre chose   ; je serai content. Je me crois plus en sûreté sous un habit de capitaine de dragons qu‘avec une jupe parce que je ne serai point exposée à tous les discours qu’on tient d’ordinaire aux femmes.
    « Croyez-vous de bonne foi que je pourrai acheter à Londres et même à Paris un beau trousseau de fille avec 250 guinées   ? Mes habits d’homme et mes armes que je dois rendre à Londres même, suivant la transaction, valent deux fois cette somme [...]. Si jamais je ne fusse sortie de dessous les ailes de ma mère, si toujours j’étais restée dans ma province où l’argent est fort rare, elle m’aurait encore donné, ainsi qu’elle a fait pour ma sœur, un trousseau du double de celui que vous m’avez généreusement accordé   ; j’ai méprisé de montrer à cet égard aucune vanité, aucune avidité, aucun intérêt   ; cette maladie n’est pas la mienne et ma vie passée dépose que j’étais plus digne de porter le casque que la cornette et de mourir dans le champ de la gloire que dans un lit de plumes parmi les nonnes. Il me semble que le destin s’est toujours joué de mon existence et ma résignation à ses cruels coups, plus tristes pour moi que la mort, est la preuve la plus complète de mon sacrifice et de ma parfaite obéissance aux ordres du roi et que je n’ai pas voulu retarder par un vil intérêt la remise des papiers secrets qui l’intéressaient si fortement. [...]
    « Je pense que ce bon roi [Louis XV] aurait été cent fois plus prodigue que le généreux Beaumarchais envers une personne qui a été fille, homme, femme, soldat, politique, secrétaire, ministre, auteur, suivant l’exigence et la nécessité du service public ou secret de son maître et qui, sous toutes ses diverses formes, a toujours réussi dans ses commissions, a toujours été connue et respectée comme un brave et honnête homme au milieu même de ses plus grands malheurs au milieu même de ses ennemis   !
    « Si pour terminer ces malheurs, il doit y avoir une perte d’argent entre le roi et moi, ce n’est pas à moi qui ne possède rien à la supporter. Ne suis-je pas assez malheureux en devenant femelle, de mâle que j’étais, en perdant tout le temps de ma vie, mon état et le fruit de mes travaux politiques et militaires   ?
    « Si par pure obéissance aux ordres du roi, je me condamne moi- même à demeurer dans un cloître avec mes semblables, compagnes de mon infortune, je ne prévois que trop que je pourrai me repentir et être malheureuse   ; mais c’est apparemment la volonté de la Providence puisqu’elle ne me laisse nuls moyens de l’éviter. C’est un de ces coups particuliers du destin qui s’attache à ma ruine, dont

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