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Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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héroïne, l’invita souvent à sa table et se laissa prendre au charme insolite de sa conversation. Toute la bonne société bourguignonne demandait à voir Mlle d’Éon. Jamais M. et Mme de Changey n’avaient reçu autant de visiteurs. Ils faillirent d’ailleurs se ruiner en dîners et soupers. La chevalière était le point de mire d’un petit monde qu’elle étonnait et qui l’adulait. Elle n’était pas malheureuse à Dijon. Elle redoutait seulement d’être transférée dans un couvent pour le reste de ses jours. Sur les conseils de la bonne Mme de Changey, elle écrivit à Maurepas une lettre de soumission afin de recouvrer une entière liberté.
    La liberté, fut-ce en habits de femme, Mlle d’Éon y tenait plus qu’à toute autre chose. Elle adressa donc une lettre pathétique à Maurepas   ; O’Gormann, son beau-frère était déjà intervenu auprès d’Amelot, ministre de la Maison du roi   ; et le marquis de Vergennes, frère du ministre des Affaires étrangères, avait plaidé sa cause. La chevalière n’était pas dangereuse, mais ses incartades et ses folies indisposaient depuis trop longtemps le roi et le gouvernement. Si elle s’engageait à rester tranquille, chez elle à Tonnerre, personne ne lui causerait le moindre tort. C’est ainsi qu’elle fut libérée et conduite auprès de sa vieille mère au mois de mai 1779.

La révolte des Carcado
    D’Éon prenait un singulier plaisir à se mettre en situation délicate pour riposter contre ceux qui allaient sûrement l’attaquer. Ce fut encore le cas en 1779 dès sa sortie de la prison de Dijon. Peu de temps auparavant La Fortelle avait publié la première biographie de l’héroïne qui devait en compter beaucoup d’autres. Celle- là était en quelque sorte « la biographie autorisée   ». Il est en effet probable que d’Éon ait commandité le récit de sa vie au dit La Fortelle. Il s’agissait d’une discrète hagiographie. On apprenait qu’en raison de la volonté de ses parents, Mlle d’Éon avait reçu une éducation opposée à celle qui convenait à son sexe. Mais la biographie n’expliquait pas comment la demoiselle d’Éon était parvenue à conclure l’alliance entre la France et la Russie   ; elle ne précisait pas non plus son rôle dans les négociations du traité de Paris de 1763 et passait sous silence la suite de ses aventures. Rien de bien nouveau dans ce livre. Rien, si ce n’est une généalogie en partie forgée par la principale intéressée qui voulait sérieusement passer pour la descendante d’une famille noble. Mlle d’Éon aurait été issue de l’ancienne maison Le Sénéchal en Bretagne, qui aurait renoncé à son patronyme de d’Éon entaché par un ancêtre répondant au nom de d’Éon de l’Étoile, hérésiarque condamné au Concile de Reims en 1148   !
    Le sang de Louis Gabriel Le Sénéchal de Carcado-Molac, comte de Carcado et celui de Corentin Joseph Le Sénéchal Carcado-Molac ne firent qu’un tour. Les Carcado accusèrent La Fortelle d’avoir donné une fausse origine à la maison Le Sénéchal en la faisant descendre de ce d’Éon de l’Étoile et d’avoir avancé qu’elle avait changé son nom et altéré ses armes dans la même année.
    D’Éon prit l’affaire de très haut, sans la moindre acrimonie contre les Carcado. La chevalière déclara dans un mémoire que le sieur de La Fortelle, lieutenant du roi de Saint-Pierre-le-Moutier, auteur de Fastes militaires, ou annales des chevaliers des ordres royaux et militaires de France, lui avait demandé des notes pour rédiger sa biographie. Elle lui avait alors communiqué plusieurs de ses mémoires adressés aux ministres, dont La Fortelle avait tiré un opuscule intitulé Vie militaire, politique et privée de Mlle d’Éon   ; il avait copié un imprimé contenant sa généalogie dressée en 1763 d’après des pièces authentiques fournies par M. de Palmeus, secrétaire de S.A.S. le feu prince de Conti. En conséquence, l’Amazone, avocat elle-même, ne pouvant mettre en cause Palmeus qui était mort, se défendait, faisant voir que les motifs de plainte des Carcado, n’étant ni de son fait, ni de celui du sieur de La Fortelle, ne pouvaient leur être imputés, mais au sieur Palmeus seul. Elle montrait qu’à l’égard de celui-ci, les parties adverses n’avaient pas apporté de preuves convaincantes. Elle établissait enfin que les griefs prétendus n’étaient que des fantômes, et que loin

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