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Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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qui symbolise son retour au monde des femmes qu’il n’aurait jamais dû quitter {242} . « Depuis que j’ai été revêtue de ma première robe d’innocence par ordre de la loi et du roi, je me trouve revêtue d’une nouvelle force qui dissipe la faiblesse de la fille infidèle, écrira-t-il à la fin de sa vie. Je dis   : tous les yeux sont tournés vers vous Seigneur [...]. Je vous demande, ô mon Dieu, par des soupirs et des gémissements réitérés, que vous me fassiez miséricorde afin que je puisse élever vers vous des mains pures et innocentes comme vous l’ordonnez. Régnez dès à présent dans mon cœur par votre grâce afin que je fasse votre volonté sur la terre comme les saints la font dans le ciel {243} .   » D’Éon se persuadera qu’il obéit à la volonté divine en étant femme.
    Quant à Monseigneur de Beaumont, il ne pouvait être que gêné par un cas tel que celui du chevalier-chevalière. Il pensait certainement que d’Éon était une femme dévoyée dont il percevait le désarroi. Il ne pouvait qu’insister sur la nécessité pour elle de devenir une « bonne fille   » et ne voyait d’autre remède que la prière. Rien d’étonnant à cela et d’Éon suivit ses exhortations.
    Le mirage américain Le temps passait   ; l’Amazone rêvait toujours de reprendre ses habits d’homme. En attendant, elle s’offrait le plaisir de revêtir son uniforme dans le petit logement qu’elle habitait à Versailles, rue de Noailles, pavillon de Marsan, lorsqu’elle pouvait s’échapper de chez M. Genet. Ses livres lui manquaient   ; sa vie semblait vide de sens. Reprendre du service restait son seul but. Vergennes avait fait la sourde oreille au début de l’été, mais depuis lors la situation militaire avait évolué. Le 9 juillet, la ratification du traité franco- américain avait été officiellement connue en France. Les escadres françaises se trouvaient réparties à travers les mers. La Fayette, qui combattait depuis deux ans en Amérique, parvint à convaincre Louis XVI d’envoyer un corps expéditionnaire pour soustraire les nouveaux États-Unis à la domination britannique. On avait besoin d’hommes. La jeune noblesse s’engagea. D’Éon qui se croyait encore jeune songeait sérieusement à s’engager dans les troupes qui devaient partir pour l’Amérique. Cette fois, il écrivit à Maurepas   :
    « Monseigneur, lui dit-il, je désirerais ne pas interrompre un instant les moments que vous consacrez au bonheur et à la gloire du roi et de la France   ; mais animée du désir d’y contribuer moi-même dans ma faible position, je suis forcée de vous représenter très humblement et très fortement que l’année de mon noviciat femelle étant entièrement révolue, il m’est impossible de passer à la profession.
    « La dépense est trop forte, et mon revenu est trop mince pour moi dans cet état. Je ne puis être utile ni au service du roi, ni à ma famille, et la vie trop sédentaire ruine l’élasticité de mon corps et de mon esprit. Depuis ma jeunesse, j’ai toujours mené une vie agitée, soit dans le militaire, soit dans la politique. Le repos me tue totalement.
    « Je vous renouvelle cette année mes instances, Monseigneur, pour que vous me fassiez accorder par le roi la permission de continuer mon service militaire, et comme il n’y a point de guerre de terre, d’aller comme volontaire servir sur la flotte de M. le comte d’Orvilliers.
    «J’ai bien pu par obéissance aux ordres du roi et de ses ministres rester en jupe en temps de paix   ; mais en temps de guerre cela m’est impossible. Je suis honteuse et malade de chagrin de me montrer en cette posture lorsque je puis servir mon roi et ma patrie avec zèle, et l’expérience que Dieu et mon travail m’ont donnés.
    « Je suis aussi confuse et désolée de manger paisiblement à Paris pendant cette guerre la pension que le feu roi a daigné m’accorder. Je suis toujours prête à consacrer au service de son auguste petit- fils et ma pension et ma vie. Aidez-moi, Monseigneur, à sortir de mon état léthargique où l’on m’a plongée, qui a été l’unique cause de mon mal, et qui afflige tous mes amis et protecteurs guerriers et politiques.
    «Je dois encore vous observer qu’il importe infiniment à la gloire de toute la maison de M. le comte de Guerchy de me laisser continuer mon service militaire   ; du moins, c’est la façon de penser de toute l’armée et de toute la

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