Le clan de l'ours des cavernes
à chasser et n'avait pas la moindre intention de recommencer de sitôt.
Il n'y avait personne à qui la jeune fille p˚t confier ses appréhensions, personne pour lui dire que c'est la peur qui aiguise l'adresse du chasseur, que les hommes la connaissaient bien, même s'ils n'en parlaient jamais entre eux. quant aux femmes, les journées qu'elles passaient loin de la protection des hommes partis chasser constituaient aussi une épreuve de courage. Les filles comme les garçons ne devenaient adultes qu'après avoir affronté et vaincu la peur.
Si, pendant un certain temps, Ayla n'eut aucune envie de s'éloigner de la caverne, elle ne tarda pas à s'impatienter. En hiver, elle n'avait pas le choix et devait accepter de rester confinée comme tout le monde ; mais lorsqu'il faisait beau, elle ne savait plus que faire. Lorsqu'elle se trouvait seule dans la forêt, loin du clan, elle ne se sentait pas rassurée et lorsqu'elle se trouvait aux abords de la caverne, la solitude de la forêt lui manquait.
L'une de ses cueillettes la conduisit tout près de sa retraite secrète et elle poussa jusqu'à sa prairie, haut dans la montagne. L'endroit eut sur elle un effet apaisant. Elle se trouvait là dans son monde personnel, et se sentait même un droit de propriété sur le petit troupeau de chevreuils qui venait paître fréquemment dans son pré. Cet espace découvert lui procurait un profond sentiment de sécurité, à présent qu'elle savait les bois pleins de bêtes féroces occupées à rôder. Elle n'était plus revenue dans sa grotte depuis le début de l'été, et ces retrouvailles ravivèrent ses souvenirs.
C'était là qu'elle avait appris à manier la fi-onde, qu'elle avait découvert le signe du totem.
Comme elle n'osait pas la laisser dans la caverne, de peur qu'lza la découvre, elle portait toujours sa fronde sur elle. Au bout d'un moment, elle ramassa des cailloux et tira quelques coups. Mais le jeu était trop monotone pour l'intéresser longtemps, et elle se remémora l'incident avec le lynx. Si seulement j'avais eu une autre pierre toute prête, pensat-elle, j'aurais pu la lancer sans lui laisser le temps de me sauter dessus. Il faut que j'apprenne à mettre une autre pierre dans la fronde dans la foulée du premier jet. Elle ne se souvenait pas d'avoir surpris Zoug parlant à
Vorn de ce deuxième projectile de sécurité, songea-t-elle, mais s˚rement le vieux chasseur devait connaître cette technique.
Elle se livra à quelques tentatives et se trouva aussi maladroite que lors de son premier essai à la fronde. Au bout d'un certain temps néanmoins, elle commença à acquérir le coup de main. Elle envoyait son premier caillou, rattrapait la fronde dans sa course descendante, glissait l'autre pierre au passage et la projetait. La deuxième pierre glissait souvent hors de son logement, et la première manquait de précision, car cette double opération influait sur la concentration, mais AYla était ravie de savoir son projet réalisable. Si elle ne se sentait pas le coeur à chasser, le pari qu'elle s'était fixé raviva considérablement son intérêt pour le tir, auquel elle s'entraîna régulièrement à dater de ce jour.
quand les collines revêtirent les couleurs flamboyantes de l'automne, Ayla était aussi habile à tirer deux cailloux qu'un seul. Campée au milieu du pré d'o˘ elle envoyait ses projectiles contre un piquet planté dans le sol, elle ressentait la vive satisfaction de la réussite à chaque fois que le piquet vibrait par deux fois sous le choc de ses deux pierres. Elle n'avait entendu personne dire qu'on pouvait doubler le tir à la fronde, car peut-
être personne n'en avait eu l'idée jusqu'ici, mais quoi qu'il en f˚t, elle avait prouvé que la chose était faisable.
Un beau matin, par une douce journée d'automne, une année après qu'elle se fut décidée à chasser, Ayla eut envie de grimper jusqu'à sa grotte secrète pour y cueillir des noisettes. Tandis qu'elle s'en approchait, elle entendit le ricanement caractéristique de la hyène et, en arrivant dans la prairie, elle en vit une vautrée sur la carcasse sanglante d'un vieux chevreuil.
Ayla se sentit prise de fureur à cette vue. Comment ce vil animal osait-il souiller sa prairie, attaquer l'un de ses hôtes ? Elle allait s'élancer en criant vers la bête pour la faire fuir quand il lui vint une meilleure idée en même temps qu'un réflexe de prudence. Les hyènes étaient des carnassiers aux m‚choires
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