Le clan de l'ours des cavernes
totems ? s'enquit Goov.
- C'est à toi précisément de répondre à cette question, Goov. Tu es le servant de Mog-ur, dis-nous ce que tu en penses, répliqua Crug.
- Je ne pourrai répondre qu'après avoir longuement médité et consulté les esprits.
- Tu parles déjà comme un mog-ur, Goov, ironisa Broud. Jamais de réponse directe.
- Eh bien, dis-nous donc ce que tu en penses toi-même, Broud, rétorqua le servant. qui tue ces animaux ?
- Je ne suis pas mog-ur ni destiné à le devenir, ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question.
Ayla, qui vaquait à ses occupations non loin de là, eut du mal à réprimer un sourire.
- Je n'ai pas encore de réponse à te donner, Broud, dit Mog-ur qui s'était approché sans bruit. Il va falloir que je inédite. Mais je puis dire déjà
que cela n'est pas la manière habituelle des esprits.
Les esprits, se dit Mog-ur, peuvent provoquer des chaleurs torrides ou des froids glacials, susciter des pluies torrentielles ou encore éloigner les troupeaux, engendrer les maladies ou déclencher le tonnerre, les éclairs ou les tremblements de terre, mais ils n'ont pas coutume de faire périr des animaux isolés. Ce mystère sent la main de l'homme. Mog-ur fut arraché à
ses pensées par Ayla qui se dirigeait vers la caverne. Comme elle a changé, songea-t-il en la suivant des yeux. Il nota le regard que Broud aussi posait sur elle, un regard chargé d'une haine froide. Le jeune homme avait également remarqué la différence. Peut-être est-ce sa nature étrangère, sa façon de marcher, différente de
la nôtre, se dit le sorcier, mais dans un coin de son esprit, il sentait que la réponse était ailleurs.
Oui, Ayla avait changé. A mesure que se développaient ses talents de chasseresse, elle acquérait une assurance et une gr‚ce inusitées parmi les femmes du clan. Elle possédait désormais la démarche silencieuse du traqueur, le contrôle parfait de son jeune corps musclé, une confiance absolue en ses réflexes et un regard lointain qui se voilait légèrement quand Broud se mettait à la harceler, comme si elle ne le voyait pas vraiment. Elle obéissait toujours aussi rapidement à ses ordres, mais Broud ne percevait plus dans ses réactions le réflexe de peur qu'il y cherchait, en dépit de la sévérité de ses corrections.
Broud ne comprenait pas ce qui se passait. Chaque fois qu'il s'efforçait de s'imposer à elle, c'est elle qui lui faisait sentir son infériorité.
Exaspéré et dépité, plus il la harcelait, moins il la tenait en son pouvoir. Il la haÔssait toujours, mais petit à petit il s'aperçut qu'il cessait de la tourmenter et se prenait à l'éviter, n'usant que très rarement de ses prérogatives. Sa haine atteignit son paroxysme vers la fin de la saison. Je la briserai un jour, se promit-il.
13
L'hiver survint et, avec lui, le ralentissement des activités coutumières.
La vie suivait son cours, paisiblement. Ayla n'était pas mécontente de l'arrivée du froid qui lui permettrait de reprendre auprès de la guérisseuse son apprentissage interrompu par la belle saison. A peu de choses près, cet hiver se déroula semblable au précédent et céda à son tour la place à un printemps tardif et humide.
La fonte des neiges, jointe à des pluies torrentielles, transforma la rivière en un impétueux torrent débordant de son lit, entraînant des arbres entiers et des buissons sur son passage. Une vague de chaleur qui favorisa l'éclosion de timides bourgeons se trouva brutalement interrompue par des tempêtes de grêle qui ravagèrent les fleurs fragiles des arbres fruitiers, anéantissant tous les espoirs d'une récolte estivale. Puis, comme si la nature, ayant soudain changé d'avis, désirait suppléer à l'absence de fruits, l'été fournit une profusion de légumes, de racines et de courges.
Il tardait au clan de se rendre comme chaque printemps au bord de la mer pour y pêcher le saumon, et grande fut la joie de chacun le jour o˘ Brun annonça qu'ils iraient bientôt à la pêche à l'esturgeon et à la morue. Si certains chasseurs parcouraient fréquemment la distance qui les séparait de la mer intérieure pour y ramasser des coquillages et les ceufs des milliers d'oiseaux nichant dans les falaises, la pêche au gros poisson était une des activités du clan qui exigeait la présence des hommes et des femmes.
Droog se réjouissait particulièrement de cette expédition. Les fortes pluies printanières avaient détaché de
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