Le clan de l'ours des cavernes
avançait tout doucement et à grand-peine, la jeune femme, n'y tenant plus, le dépassa pour se jeter à ses pieds, en lui barrant le passage. Creb attendit un long moment avant de lui donner une tape sur l'épaule.
- Cette femme aimerait savoir pourquoi Mog-ur est en colère.
- Je ne suis pas en colère, Ayla.
- Alors, pourquoi refuses-tu que je te soigne ? s'écria-t-elle. Cela ne t'est jamais arrivé. Cette femme est guérisseuse, ajouta Ayla en s'efforçant de retrouver son calme. Elle ne supporte pas de voir Mogur souffrir. Oh ! Creb, laisse-moi t'aîder ! Je te considère comme le compagnon de ma mère. Tu m'as nourrie, tu m'as défendue, je te dois la vie.
Je ne sais pas pourquoi tu as cessé de m'aimer, mais moi, je t'aime toujours ! déclara Ayla, le visage baigné de larmes.
Pourquoi a-t-elle ce mal aux yeux à chaque fois qu'elle me soupçonne de ne plus l'aimer ? Et pourquoi à chaque fois suis-je prêt à faire n'importe quoi pour qu'elle n'ait plus mal ? Est-ce que tous les siens ont cette particularité ? Elle a raison, je l'ai toujours laissée me soigner, pourquoi l'en empêcherais-je maintenant ? Elle n'est pas une femme du Clan.
quoi que peuvent en penser les miens, elle ne pourra jamais se fondre dans notre peuple. Elle ne le sait pas elle-même. Elle se prend pour une du Clan, elle se prend pour une guérisseuse. Guérisseuse, je dois reconnaître qu'elle l'est, et avec un grand talent, même si elle ne descend pas de la lignée d'lza, et j'ai pu voir avec quelle volonté elle s'est efforcée de devenir une femme selon les coutumes du Clan, aussi dur que cela ait pu l'être parfois pour elle. Ce n'est pas la première fois qu'elle a les yeux qui coulent, mais combien de fois a-t-elle retenu cette eau qui montait ?
C'est surtout quand elle croit que j'ai perdu toute affection pour elle que le phénomène échappe à sa volonté. Son chagrin serait-il si grand ?
Souffrirais-je moi-même à ce point à la pensée qu'elle ne m'aime plus ?
Certainement plus que je ne voudrais me l'avouer. Comment peut-elle être si différente de moi, et de nous, si elle éprouve le même amour ? Creb avait beau essayer de la voir comme une étrangère, une femme née chez les Autres, elle resterait
toujours pour lui Ayla, l'enfant de la compagne qu'il n'avait jamais eue.
- Nous ferions mieux de nous dépêcher, Ayla. Brun nous attend. Essuie tes yeux, et quand nous ferons une halte, tu pourras me préparer une infusion d'écorce de bouleau, guérisseuse.
Un large sourire apparut derrière les larmes. Au bout de quelques pas, Ayla vint se placer à hauteur du sorcier. Il la contempla un instant, puis hocha la tête d'un air résigné et s'appuya sur elle pour continuer sa route.
Brun remarqua immédiatement l'amélioration de leurs rapports et en profita pour accélérer le pas. Si le vieil homme avait toujours l'air un peu mélancolique, il faisait tous ses efforts pour le cacher. Je me doutais bien qu'il y avait quelque chose entre ces deux-là, se dit Brun, satisfait de sa perspicacité. Mais on dirait que ça s'est arrangé.
Creb ne s'opposa plus à ce qu'Ayla prenne à nouveau soin de lui comme elle avait toujours su si bien le faire. Mais une certaine distance demeurait entre eux. Le fossé qui les séparait était bien trop large pour qu'il p˚t l'ignorer.
Creb ne pouvait oublier la divergence des destinées de son peuple et de celui des Autres, et cette conscience douloureuse et cruelle de se savoir condamné à disparaître parasitait la douce et paisible harmonie de toutes ces années passées dans la compagnie d'Ayla.
Les journées étaient chaudes, mais les nuits se rafraîchissaient à mesure que le clan de Brun cheminait vers ses quartiers. A la vue des montagnes enneigées à l'ouest, leurs coeurs se réchauffèrent, mais dans c cette immensité l'impression de ne pas avancer les fit rapidement se désintéresser du spectacle des pics étincelants. Comme ils continuaient toujours en direction de l'ouest, ils distinguèrent mieux les glaciers veinés du bleu translucide des crevasses et des tons mauves que prenaient les pentes verglacées.
Après avoir marché jusqu'à la tombée de la nuit, ils établirent enfin leur premier campement dans les steppes. Le lendemain matin tout le monde se réveilla aux aurores pour entreprendre la dernière étape. Ils croisèrent un rhinocéros paisiblement occupé à brouter dans une belle prairie verdoyante et la rencontre de cet animal familier leur
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