Le clan de l'ours des cavernes
préciser peu à peu les contours familiers de la caverne.
Aujourd'hui, sa fille allait recevoir un nom et se voir reconnue comme membre du clan à part entière et comme un être humain non seulement vivant mais apte à vivre. Elle songea avec plaisir que sa mise à l'écart forcée allait se rel‚cher, bien que ses rapports avec les autres dussent encore se limiter strictement aux femmes jusqu'à la fin des saignements.
A l'apparition de leurs premières menstruations, les jeunes filles étaient obligées de s'éloigner du clan pendant toute la durée du cycle. Si elles se produisaient en hiver, la jeune femme demeurait seule au fond de la caverne, mais devait tout de même subir l'épreuve de l'isolement total au printemps suivant, au moment de ses règles. Cette expérience était non seulement terrifiante mais encore dangereuse pour ces jeunes femmes désarmées, accoutumées à la protection et à la compagnie du clan. Cette épreuve était destinée à marquer le passage à la condition de femme, tout comme la première chasse marquait le passage d'un garçon à l'‚ge d'homme.
Mais contrairement à ce dernier, la femme n'avait droit à aucune cérémonie pour fêter l'événement et son retour parmi les siens. Certes, pendant l'épreuve, elle avait la permission de faire du feu pour éloigner les bêtes féroces, mais il n'était pas rare que l'une d'elles disparaisse à tout jamais, et que son cadavre soit découvert plus tard par quelque chasseur.
La mère de la jeune fille avait le droit de lui rendre visite une fois par jour, pour lui apporter réconfort et nourriture. Mais si elle venait à
disparaître, sa mère n'était autorisée à en faire mention qu'au bout d'un certain temps.
Les luttes auxquelles se livraient les esprits à l'intérieur des corps des femmes dans le but de concevoir la vie restaient un profond mystère pour les hommes. Mais ils savaient que leur essence était vaincue, chassée du corps de la femme, quand celle-ci saignait. Si, durant cette période, une femme regardait un homme, l'esprit de ce dernier risquait d'être attiré
dans une lutte qu'il n'était pas certain de remporter. C'est pourquoi les totems des femmes devaient être plus faibles que ceux des hommes, car même un totem faible pouvait tirer une grande force de l'essence vitale propre au sexe féminin. C'étaient les femmes qui possédaient le pouvoir de donner la vie.
Dans le monde matériel, un homme était plus grand, plus fort, bien plus puissant qu'une femme, mais dans le monde terrible des forces invisibles, la femme était l'héritière naturelle d'une force potentiellement plus conséquente. Pour les hommes la faiblesse physique de la femme était précisément ce qui permettait d'établir l'équilibre entre elles et eux.
qu'on permît aux femmes de réaliser toute la force qu'elles avaient en puissance, et c'en serait fini de cet équilibre. C'était la raison pour laquelle elles étaient tenues à l'écart de la vie spirituelle et gardées ainsi dans l'ignorance de la trop grande force que leur conférait ce pouvoir de concevoir la vie.
Les jeunes hommes étaient avertis à leur première cérémonie suivant la consécration à l'‚ge adulte des terribles conséquences qui pourraient résulter de la découverte par une femme des rites secrets des hommes, et des légendes couraient sur l'époque o˘ c'étaient les femmes qui exerçaient la magie et intercédaient auprès des esprits. Ainsi éclairés, les jeunes hommes considéraient les femmes d'un autre regard. Ils assumaient leurs responsabilités masculines avec beaucoup de sérieux et veillaient à ce qu'une femme soit protégée, nourrie mais totalement dominée, sinon le fragile équilibre entre les forces matérielles et les forces spirituelles risquait d'être brisé et la pérennité du Peuple du Clan condamnée.
La puissance des esprits féminins étant beaucoup plus agissante pendant la menstruation, la femme devait subir un isolement forcé pour ne pas mettre en échec l'esprit totémique de l'homme. Confinée auprès des autres femmes elle n'avait le droit de toucher à aucune nourriture susceptible d'être consommée par un homme. Elle ne pouvait s'occuper que de t‚ches subalternes comme le ramassage du bois ou la préparation des peaux à l'usage exclusif des femmes. Pendant cette période, les hommes l'ignoraient totalement et s'abstenaient même de la réprimander. que son regard tomb‚t par hasard sur elle, l'homme faisait
Weitere Kostenlose Bücher