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Le Code d'Esther

Le Code d'Esther

Titel: Le Code d'Esther Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Benyamin , Yohan Perez
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été prise dans sa cellule de Nuremberg. Il est alors âgé de 60 ans. L’homme n’est plus du tout le même : les épaules voûtées, il est assis à sa table de travail, vêtu de ce qui paraît être un uniforme défraîchi, devant des papiers dactylographiés. Il a miraculeusement retrouvé quelques cheveux, qui se dressent, comme électriques, sur son crâne dégarni. Il a rasé sa barbe d’artiste peintre mais a conservé sa minuscule moustache, témoignage désespéré de sa fidélité indéfectible envers un homme mort. Là encore, il refuse de regarder l’objectif : ses yeux semblent se perdre à la recherche d’une époque définitivement révolue ; il se demande ce qu’il fait là, et, en même temps, il sait probablement qu’il sera condamné, qu’il lui sera difficile de sauver sa peau. Mais pas question de dévoiler son regard !
    On ne sait pas grand-chose de lui. Il est né le 12 février 1885, à Fleinhausen, près d’Augsbourg. Fils d’un instituteur, il adoptera le métier de son père et se battra pendant la Première Guerre mondiale sous l’uniforme prussien. Séduit par les idées d’extrême-droite, il assiste, médusé, à un discours de Hitler en 1921. Sa vie en sera bouleversée. Dès lors, il n’aura de cesse de faire de Nuremberg la ville phare du parti nazi. En avril 1923, il publie le premier numéro de Der Stürmer , hebdomadaire violemment antisémite, dont la devise s’inscrit en grosses lettres à la une du journal : Die Juden sind unser Unglück (« les Juifs sont notre malheur »). Il participe au putsch manqué de Hitler en novembre 1923, purge une peine d’un mois d’emprisonnement à la forteresse de Landsberg et devient peu après le patron du parti en Bavière.
    Sa carrière semble promise à un brillant avenir à l’avènement du III e  Reich, mais voilà qu’en 1939, quelques mois avant le déclenchement de la guerre, le maire de Nuremberg et le chef de la police l’accusent de corruption. Il est soupçonné de détournement d’argent public, d’enrichissement sur des possessions juives et de torture sur des prisonniers. Hitler décide de le relever de toutes ses fonctions mais consent à le laisser à la tête du Stürmer . Et, durant toute la guerre, il continuera à lancer ses diatribes contre les Juifs.
    C’est à peu près tout ce qu’on peut dire de lui jusqu’en 1945.
    Le reste, ses motivations, sa personnalité, c’est lors de son séjour en prison qu’on apprendra à les cerner, au travers des multiples interrogatoires qu’il subira et grâce aux entretiens qu’il accordera à un médecin psychiatre américain. On découvre ainsi qu’il est volontiers menteur, déviant sexuel et que son QI est particulièrement bas – le plus faible parmi ses codétenus. Il est en particulier convaincu d’avoir à accomplir une mission : « Je suis le seul au monde qui ait compris le danger juif en tant que problématique historique. Ce n’est pas à cause d’une maltraitance personnelle ou par aversion que je suis devenu antisémite – j’ai été nommé ! » En revanche, un point important est établi : Streicher n’a pas participé activement à la Solution finale, même s’il en était le prédicateur le plus acharné.
    Voilà donc l’homme qui inspirait une si grande terreur au petit Arno Hamburger dans les rues de Nuremberg, l’homme qui suscitait le dégoût de tous ceux qui l’ont approché, sentiment que l’on retrouve dans tous les écrits se référant à Julius Streicher et qui n’a pas manqué d’aiguiser la curiosité d’Annette Wieviorka : « Bizarre, ce mot de “dégoûtant” qui vient immédiatement à la bouche de ses interlocuteurs… Cet homme provoquait le dégoût… Je me suis souvent demandé s’il n’était pas habité par un antisémitisme… vulgaire, un peu à la manière de ce film de propagande, Le Péril juif , que les nazis avaient tourné en 1940… On y voyait les Juifs assimilés à des rats. Très rapidement, les nazis se sont aperçus que ces images ne fonctionnaient pas, que les spectateurs n’adhéraient pas à ce type de raisonnement simpliste, et ils ont vite retiré le film de l’affiche. Streicher devait être l’incarnation de cet antisémitisme démodé et outrancier faisant naître chez ses visiteurs… le dégoût ! »
    Jugements sans appel mais qui laissent de nombreuses questions sans réponse. Nous sommes en présence d’un homme qui n’a tué

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