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Le Code d'Esther

Le Code d'Esther

Titel: Le Code d'Esther Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Benyamin , Yohan Perez
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les journalistes notent sans trop comprendre les propos de Streicher. Tout le monde se regarde, essayant de capter chez l’autre un signe d’intelligence sinon d’explication. Mais non : sur le moment, personne ne sait ce qu’a voulu dire Streicher. Seul le sergent Woods poursuit, méthodiquement, sa mission : il déplace le condamné vers le centre de la plate-forme et lui passe la corde autour du cou.
    L’officier américain demande alors à l’interprète si le condamné a quelque chose à ajouter.
    « Les Bolcheviques vous pendront un jour ! » bredouille Streicher, qui offre déjà son cou au bourreau.
    Puis on lui recouvre le visage d’une cagoule noire à travers laquelle il murmure encore : « Adèle, ma chère femme… » Le mécanisme de la trappe est actionné et le corps de Streicher disparaît des yeux du public. La scène a duré moins de cinq minutes.
    Dès le lendemain de l’exécution, tous les journaux du monde entier titrent sur ce qu’ils appellent le « mystère Streicher ». Qu’a-t-il voulu dire ? Pourquoi cette soudaine référence à la liturgie juive ? Comment expliquer l’irruption d’un texte vieux de 2 000 ans dans ce gymnase de Nuremberg ? J’entrevois mieux les intentions qu’avait eues Yohan en m’envoyant seul en Bavière.
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    « Alors ? me dit-il, la voix légèrement déformée par le téléphone portable.
    — Alors ? J’ai tout vu, le Colisée, le Zeppelin, la cour du tribunal, la prison… J’ai enquêté sur tous les accusés… en particulier, comme tu me l’avais demandé, sur Streicher !
    — Et… ?
    — J’ai passé en revue sa vie… et ses derniers mots avant son exécution !
    — Pas mal ! Tu es allé plus vite que je ne le pensais ! Je te félicite ! »
    Yohan s’arrête un instant. Puis il reprend en baissant la voix :
    « Tu comprends maintenant pourquoi je t’ai demandé de te rendre à Nuremberg ?
    — Je crois que oui…
    — Il fallait que tu sois confronté directement aux éléments de cette enquête. Que tu découvres les invraisemblances, les choses troublantes. Que tu décides alors si tu voulais continuer, cette fois avec moi.
    — Tu veux parler de Streicher et de son fameux « Pourim 1946 »…
    — Tout juste.
    — Mais bien sûr que je veux comprendre ! Et ce ne sont pas des articles de presse confirmant qu’il a bien prononcé ces mots avant de mourir qui vont éclairer ma lanterne. Comment penser une seconde que je peux en rester là ? »
    Je hausse le ton, un peu agacé par ce jeu du chat et de la souris.
    « Alors, bienvenue à bord ! me dit Yohan, un sourire dans la voix. Je vais quand même te faire les recommandations d’usage : le chemin risque d’être long et semé d’embûches… Et “la bande s’autodétruira”, etc., etc. Tu marches avec moi ?
    — Tout de suite !… Mais dis-moi, on commence par quoi ?
    — Mais par le début ! me répond Yohan en éclatant de rire. Par la fête de Pourim ! »
    En raccrochant, je savais déjà que j’allais appeler ma mère au secours. Elle n’avait pas encore dit son dernier mot.
    1 . Cité par Annette Wieviorka dans son remarquable Procès de Nuremberg (Liana Levi).
    2 . Célèbre faux qui prétendait prouver l’existence d’un complot juif visant à dominer le monde.
    3 . John Woods est mort électrocuté le 21 juillet 1950 à Eniwetok, aux îles Marshall, alors qu’il tentait de réparer une chaise électrique.

II

La fête de Pourim
    C haque année, à la même époque, un mois avant le printemps et la fête de Pâques, ma mère entrait en frénésie dans sa cuisine. Elle se levait dès les premières lueurs du jour et ne se couchait qu’à une heure avancée de la nuit. Quelques minutes à peine pour s’alimenter et elle se remettait à la tâche, pétrissant énergiquement la pâte pour les gâteaux qu’elle modèlerait ensuite avec des gestes minutieux pour leur donner, une fois farcis de dattes, la forme de cœurs. Ils étaient, ces gâteaux, rose bonbon ou vert pistache, teintés à l’aide de produits hautement chimiques, mais ils faisaient la joie de tous, grands et petits, comme si cette profusion de couleurs criardes allait pour de bon décider le gris de l’hiver à battre en retraite. La maison embaumait du sirop dont elle arrosait les cigares à la pâte

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