Le Code d'Esther
sa gauche, un peu à l’écart à cause du manque de place sur le banc des accusés, deux hommes de moindre importance qui seront, du reste, tous les deux acquittés : Hans Fritzsche, d’abord. Responsable de la radio au ministère de la Propagande, il était surtout connu pour sa voix, proche de celle de Goebbels ; enfin, Hjalmar Schacht, un moment séduit par les idées du national-socialisme mais qui tombera en disgrâce au point de se retrouver au camp de Dachau, d’où les Américains le libéreront.
Mais voilà qu’apparaît au premier rang la star du procès : Hermann Göring, l’as des as de l’aviation allemande durant la Première Guerre mondiale, maréchal du Reich, homme de confiance de Hitler, l’inventeur de la Gestapo, l’initiateur de l’incendie du Reichstag. Longtemps successeur désigné du Führer, il commence à voir son étoile pâlir après l’échec de la bataille d’Angleterre. Détesté par Himmler, Bormann et Goebbels, il est écarté du pouvoir et passe les dernières années de la guerre dans sa luxueuse résidence de Karinhall, où il peut s’adonner à la morphine et aux fêtes excentriques. Lorsqu’il se rend aux Américains, il est dans un tel état que ceux-ci décident de lui faire subir une cure de désintoxication. Amaigri dans ce box des accusés, il donne l’impression de flotter dans son uniforme de la Luftwaffe, mais il est en pleine possession de ses moyens, usant de son charme et de son intelligence, multipliant les remarques en direction des juges, brillant par son esprit d’à-propos et ses références historiques. Il sera l’un des seuls à assumer son passé face à la cour mais niera toute implication dans la déportation et les camps de concentration. « On sait aujourd’hui, m’expliquera plus tard Annette Wieviorka, que les juges auraient sans doute préféré le condamner à la prison à vie. Mais son implication au plus haut niveau dans le régime nazi ne leur laissera pas le choix. » Il est condamné à mort par pendaison.
À sa gauche, une autre grande figure du nazisme : Rudolf Hess. Compagnon de la première heure du Führer, il est enfermé avec lui à la forteresse de Landsberg, où il l’aide à rédiger Mein Kampf . Lorsque la guerre éclate, il est membre du Conseil de défense du Reich et deuxième successeur de Hitler après Göring. Très vite, des « déviations graves de son état de santé mentale » sont observées. Son équipée du 10 avril 1941 lève les derniers doutes sur sa « maladie », comme le signale un rapport interne du ministère de la Propagande : il décide de partir seul en Messerschmitt pour l’Écosse, espérant convaincre les Anglais de conclure une alliance avec l’Allemagne contre l’Union soviétique. Londres comprend de suite l’importance de ce cadeau tombé du ciel et l’emprisonne jusqu’à la fin de la guerre. Son avocat tentera en vain de plaider l’irresponsabilité mentale : Hess est condamné à la prison à perpétuité et finira par réussir à se suicider en 1987, à la prison de Spandau.
À ses côtés, Joachim von Ribbentrop, le diplomate. Il éblouit Hitler par sa connaissance des langues étrangères et devient son conseiller pour les affaires internationales. Ambassadeur à Londres avant l’éclatement de la guerre, il provoque un scandale en faisant le salut nazi devant le roi lors d’une réception à la Cour. Nommé ministre des Affaires étrangères en 1938, il est le maître d’œuvre du pacte de non-agression conclu avec l’Union soviétique. Il est condamné à mort par pendaison.
Son voisin est un militaire, impeccablement sanglé dans son uniforme de la Wehrmacht, dont il a été jusqu’au bout le commandant suprême : Wilhelm Keitel. Obéissant sans réticence aux ordres de Hitler, il couvre tous les massacres perpétrés durant la campagne de Russie. Après l’attentat manqué contre le Führer en juillet 1944, il ferme les yeux sur l’exécution de centaines d’officiers de l’armée allemande. Il est condamné à mort par pendaison.
Ernst Kaltenbrunner se tient à sa gauche. Il est l’un de ceux qui prennent des notes durant tous les débats. En 1938, il participe à la préparation de l’Anschluss. Jusqu’en 1943, il se signale par sa cruauté en tant que chef de la police de Vienne, date à laquelle il succède à Heydrich à la tête de l’Office suprême de sécurité du Reich. Considéré comme l’un des responsables de la
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