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Le Code d'Esther

Le Code d'Esther

Titel: Le Code d'Esther Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Benyamin , Yohan Perez
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devait faire. “Tu iras au palais et tu seras présentée au roi. C’est la loi. Mais ne lui révèle pas tes origines, ne lui dis pas que tu es juive.”
    » Elle se retrouva donc dans la cour du palais avec des centaines de jeunes filles qui rêvaient toutes de devenir la nouvelle reine. Elles étaient belles et bien habillées. Elles souriaient à tous et parlaient bien fort pour se faire remarquer par Hegaï, le gardien des femmes. C’est lui qui était chargé de faire le tri, une première sélection, avant la présentation au roi. Bien qu’elle portât une robe très simple et se tînt à l’écart des autres, Esther fut choisie tant éclataient sa grâce et sa beauté. Mais elle allait devoir attendre avant d’être présentée au roi Assuérus. Le protocole de Suse prescrivait une “quarantaine” pour les jeunes filles avant qu’elles aient l’honneur de rencontrer le souverain : six mois pendant lesquels elles étaient baignées quotidiennement dans de l’huile de myrrhe et encore six mois de traitements corporels à base d’essences rares. »
    « Vous vous rendez compte ? disait alors ma mère, les yeux levés vers le ciel. Quelle merveille ! Un an à prendre soin de son corps, à être traitée comme une princesse ! Et tout cela en vue d’une seule rencontre !
    — Mais tu as la peau la plus douce que peut espérer avoir une femme ! lui lançait mon père. Tu n’as besoin d’aucun artifice. »
    Un large sourire envahissait alors le visage de ma mère : son mari venait de lui faire sa déclaration amoureuse de l’année. Il lui faudrait attendre douze mois pour espérer la prochaine… Quelques années plus tard, après la disparition de mon père, ce même passage emplirait ses yeux de larmes.
    « Bref, au terme d’un an, Esther fut présentée au roi. Il tomba éperdument amoureux de la jeune orpheline et décida d’en faire sa reine.
    » Un jour que Mardochée était assis, comme il en avait pris l’habitude, à la porte du roi, il surprit une conversation entre deux eunuques du palais. Il comprit très vite que les deux hommes projetaient un attentat contre Assuérus. Immédiatement, il demanda à Esther d’aller prévenir le roi du complot qui se tramait contre lui. Une enquête fut ordonnée, et les coupables furent démasqués. On les pendit à une potence et l’incident fut consigné dans le livre des Chroniques du royaume.
    » C’est à ce moment-là que les événements vont s’enchaîner et prendre une tournure dramatique.
    » Le roi, seul, ne pouvait plus faire face à la gestion du royaume. Les charges étaient trop importantes : prélèvement des impôts, pacification des 127 provinces, règlement des conflits locaux, etc. Il décida donc de prendre un Premier ministre. Il choisit le fils d’Hammedata, le sinistre Aman… »
    C’est le passage que nous attendions tous. Nous prenions alors nos couverts, nos assiettes et nos verres, tout ce qui se trouvait sur la table, pour faire du bruit afin de provoquer un immense chahut à chaque fois que le nom d’Aman était prononcé. Pour les enfants, dont je faisais partie, cet intermède était une véritable délivrance. Après tout ce temps passé à écouter sagement la belle histoire, dont, entre parenthèses, nous connaissions tous les rebondissements, il nous était permis – mieux : recommandé – de donner libre cours à notre énergie pour couvrir d’opprobre le nom funeste du Premier ministre d’Assuérus. C’était à qui crierait le plus fort pour agonir d’injures un homme dont le nom était synonyme du Mal absolu, dont l’évocation allait bercer d’effroi toute notre enfance. Je me suis longtemps demandé ce qu’aurait pensé un étranger faisant irruption devant cette tablée en furie et à qui on aurait tenté d’expliquer que l’on célébrait une fête juive ! Oserai-je l’avouer ? J’ai la nostalgie de ces soirées emplies de cris d’enfants où il nous était demandé de proférer des injures rigoureusement censurées le reste du temps, sous le regard rassurant et fier de nos parents. On nous encourageait à transgresser un interdit pour mieux affirmer notre identité. Et le même processus se reproduirait quelques années plus tard avec nos propres enfants.
    Mais tout ce charivari n’avait aucune influence sur ma mère, qui, le sourire aux lèvres (elle devait savourer intérieurement l’efficacité de son enseignement), avançait imperturbablement

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