Le Code d'Esther
comprendre deux choses : d’abord que cet exercice fait partie de la culture du peuple juif. Que l’on ne doit pas y voir de “geste” magique et que cette pratique est commune, usuelle, partagée par tous sans distinction.
— Et la Kabbale, alors ? intervient Yohan. L’utilisation des chiffres y est largement répandue…
— C’est exact, mais cela n’a rien à voir avec ce que je viens de vous expliquer. La numérologie des kabbalistes est 10, 100, 1 000 fois plus complexe que mes pauvres exemples… Non, l’essentiel, c’est d’avoir à l’esprit que tout Israélien, et d’une manière générale toute personne qui parle l’hébreu, peut se livrer régulièrement à cette gymnastique, un peu à la façon de vos sudokus. »
Intellectuellement, je suis ébloui par ces démonstrations, et je me promets d’approfondir plus tard cette initiation à la numérologie. En même temps, je comprends bien que toutes ces explications nous sont nécessaires pour appréhender le processus de la découverte, mais je commence à m’impatienter… Cela fait plus de deux heures que nous sommes arrivés chez le Pr Neugroschel, et nous n’avons toujours pas abordé le cœur du mystère.
« Voici donc le passage en question à partir duquel tout a été possible, enchaîne alors le Professeur comme s’il avait deviné mes pensées. Je vous en ai fait une photocopie afin que vous puissiez suivre mes explications. »
À son tour, il nous distribue une feuille noircie de caractères hébraïques.
« Il s’agit de l’énumération des noms des enfants d’Aman promis à la potence. Vous remarquez des lettres que j’ai entourées de rouge afin de mieux les mettre en évidence. Ce sont les fameuses lettres… Je vais vous expliquer comment j’ai procédé.
» J’ai d’abord décidé de m’occuper des petites lettres en leur appliquant leur valeur numérique.
» La première se trouve dans le premier nom cité, celui de “Parshandata” : il s’agit du tav , ת… Valeur numérique : 400.
» La deuxième est contenue dans le septième nom des enfants d’Aman, “Parmashtah” : c’est le shin , ש… Elle équivaut à 300.
» La troisième enfin est incorporée au dernier nom de la liste, “Vaïzata” : nous avons le zayin , ז… dont la valeur est 7.
» J’ai essayé d’additionner ces trois lettres, à savoir : 400 + 300 + 7 = 707.
» Tout va bien pour le moment ? N’hésitez pas à m’interrompre si vous ne comprenez pas…
» Je n’avais aucun mérite à procéder de cette façon. Tous nos maîtres avaient fait de même au cours des siècles précédents. Je décidai alors de conserver ce résultat et de me confronter à la grande lettre, celle qui se trouve au début du dernier nom de la liste : le vav, ו. Valeur : 6.
» J’ai tout essayé. Pendant des jours, j’ai additionné, multiplié, soustrait, divisé, j’ai tenté toutes les opérations. Rien. Rien de cohérent. Rien de satisfaisant… Je désespérais, jusqu’à ce que j’aie l’idée d’aller sortir de cette bibliothèque qui est devant vous un livre… Le voici… »
Il pose délicatement sur la table un ouvrage, en apparence très ancien, dont les bordures de cuir paraissent attaquées par la moisissure.
« C’est le Zohar, reprend-il, l’ouvrage majeur de la Kabbale. Je vais vous décevoir : je ne suis pas un initié de cette pratique philosophique et ésotérique du judaïsme. J’en connais les lignes de force, mais je ne suis pas un spécialiste. La thèse généralement admise est que Dieu a remis à Moïse sur le mont Sinaï une loi orale et secrète, la Kabbale, en même temps qu’Il lui remettait la loi écrite et publique, la Torah. “Malheur à celui qui croit que la Torah ne contient que des récits communs et des paroles ordinaires, nous dit le Zohar. Il est évident que dans chaque parole gît un mystère profond.” »
Le Professeur a préféré fermer les yeux pour nous citer, en araméen puis en anglais, ces deux phrases issues du Zohar, les deux mains jointes sur le livre. Son sourire a disparu, et quelques gouttes de sueur perlent sur ses tempes.
« Bref, reprend-il au bout de quelques secondes, je me suis plongé dans la lecture du Zohar. Une lecture rapide, même si ce texte ne s’y prête franchement pas, survolant les paragraphes et les chapitres… Je cherchais quelque chose, je ne savais pas quoi, mais je cherchais un élément
Weitere Kostenlose Bücher