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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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de ne jamais
interférer avec les affaires de l’émir, pourvu qu’on la laissât en paix.
    Saladin l’assura de sa bienveillance, lui envoya en retour
quelques présents ; et l’on n’en parla plus. Chaque année, des chameaux
venaient à l’oasis chercher leur chargement d’or, et repartaient ensuite au
Caire. Où ce trésor était ajouté à celui de Saladin, avant de s’en aller –
diminué – vers Bagdad.
     
    Morgennes était si concentré sur la tache verte à l’horizon
qu’il fallut toute la force des aboiements de Babouche pour le sortir de sa
torpeur. Mais il eut beau appeler, la petite chienne ne voulait rien entendre.
Elle filait droit vers le sud, alors que l’oasis était à l’est. D’une pression
du genou sur le flanc d’Isabeau, il se lança à sa poursuite et ne tarda pas à
la rattraper. Déjà, les contours de l’oasis commençaient à s’estomper.
    — Babouche, ici !
    Babouche ne l’écouta pas et, quand Morgennes approcha la
main pour l’attraper par le cou, elle recula, grattant la terre de ses pattes
de derrière en grognant.
    — Qu’est-ce qu’il y a ? Tu as flairé un
danger ?
    Babouche aboya, et s’éloigna un peu plus loin. Comme à
regret, Morgennes jeta un dernier coup d’œil à l’oasis des Moniales : elle
avait pratiquement disparu. Il ne voyait plus qu’une vague lueur, aussi épaisse
que le blanc à la base de l’ongle. S’il ne se dépêchait pas, il n’aurait plus
aucun espoir d’atteindre l’oasis, et serait condamné à mourir de soif.
    — Je m’en vais.
    Mais la chienne l’ignora, continuant à fouiller le sol et
reculant chaque fois que Morgennes faisait mine d’approcher. S’il n’avait pas
eu son armure sur le dos, il se serait lancé à sa poursuite, et se serait
penché sur le côté pour l’attraper par la peau du cou. Malheureusement, son
haubert pesait si lourd qu’il ne pouvait accomplir une telle manœuvre sans se
mettre en danger. D’ailleurs, il aurait dû d’ailleurs l’accomplir de la main
gauche, à cause de son œil aveugle – et ne s’en sentait pas la force.
    — Adieu, Babouche !
    D’ordinaire, lorsqu’elle se retrouvait seule, la petite
chienne accourait ventre à terre. Mais elle ne bougea pas, se contentant de
fixer Morgennes de ses yeux tristes. Morgennes fit mine de repartir en
direction de l’oasis, et Babouche s’enfonça plus loin dans le désert. Bientôt,
elle disparut derrière une dune et Morgennes ne l’entendit plus. Il n’y avait
désormais que le bruit du vent ; le sourd fracas du sable dévalant les
dunes que les bédouins appellent « chant du désert ».
    Morgennes fit quelques pas avec Isabeau et la lança au petit
trot, hésitant entre galoper pour profiter des derniers rayons du soleil, et
revenir sur ses pas afin d’essayer de rattraper Babouche, dont le comportement
l’intriguait. Il aurait aimé avoir un point de repère, pouvoir faire les deux.
Mais c’était impossible. S’il n’optait pas, maintenant, pour l’une ou l’autre
solution, il se perdrait dans le désert. Morgennes arrêta Isabeau afin de se
donner le temps de réfléchir, de boire et de prier. Il prit une outre dans son
sac de selle et but une longue goulée de l’eau de Tibériade. Après s’être
essuyé la bouche d’un revers de main, ayant remis l’outre en place, il demanda
à Dieu de lui envoyer un signe.
    Et en reçut deux.
    D’une part, Babouche s’était mise à aboyer de toutes ses
forces, ponctuant chacun de ses jappements d’un grognement sourd ; d’autre
part un puissant cri d’oiseau vibra dans l’air : comme chaque soir, au
crépuscule, Cassiopée envoyait son faucon pèlerin tournoyer dans le ciel.
    « D’un autre côté, se dit Morgennes, elle le faisait
aussi en cas de danger. »
    Ni une, ni deux, il fit décrire une volte à Isabeau, et
retourna au grand galop en direction des aboiements, certain d’avoir un repère
stable grâce aux longs vols planés du faucon. Passant derrière une dune, tirant
sur les rênes de sa monture pour l’empêcher de dévaler la pente au galop,
Morgennes rejoignit Babouche. Qui tenait dans sa gueule un objet.
    — Donne ! dit Morgennes en tendant la main.
    La chienne s’approcha et déposa à terre une pantoufle
décorée de motifs arabisants !
    — Damedieu ! Mais c’est celle de Yahyah !
    La chienne aboya à l’évocation du nom du jeune garçon, et
gratta de nouveau le désert, soulevant un brouillard de poussière

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